Sans feu ni joie

Sans feu ni joie

Personnage participants :
Sans feu ni joie Buttonnm6

Leïna Nightfals
Baeladroth Sans feu ni joie Iconchrisev2

Lieu : L’endroit est à première vue calme, apaisant. Quelques arbres couchés empêchent cependant de continuer plus loin sur ce petit sentier mal définit. Les ronces situés derrière, de quelques pieds de hauteurs, retirent l’envie de continuer aux rares courageux escaladant les troncs abattus. Sur la gauche, la végétation est éparse et les arbres de moins en moins espacés. Sur la droite, par contre, se trouve une belle petite clairière dont l’herbe haute lui donne un certain charme. L’endroit semble idéal pour observer le ciel, et est un lieu de passage assez fréquent pour la plupart des animaux. Au-delà de ce paysage légèrement en pente, on peut observer une montagne dont le sommet trop haut est masqué par les nuages de l’obscurité.

Moment de la journée : Aux environs d’une heure et demie du matin, lorsque la lune est bien haute dans le ciel.

Temps : Le temps semble dégagé, et la température n’est pas désagréable bien que peu élevé. Toute fois, quelques faibles averses parviennent de temps à autres à s’imposer. Le ciel est entièrement étoilé et la lune inonde l’endroit d’une douce lumière argenté.

………………………………………………………………………………………………………………………………….

Malgré l’herbe détrempée, la jeune femme n’avait pas hésité une seule seconde pour s’allonger dans les herbes hautes et croiser les bras derrière sa tête afin d’observer le ciel. Si elle n’aimait pas cette ville qu’on nommait Riverwood, cet endroit était bien le plus beau de tous. C’était sans doute étrange, pour une humaine. Mais elle avait toujours préféré la solitude aux grandes rues traversant la ville. Solitaire ? Peut-être. Mais il n’y avait pas que ça. Elle avait aussi toujours préféré la nuit, les ténèbres… Comme si ses attirances annonçaient déjà une fin proche, qu’elle voyait bien malgré elle arriver. Une déception ? Non… En fait, elle avait déjà tout planifié depuis le début. Comme le démon lui avait si bien dit, « A votre mort, il n’y a que les Enfers qui vous attendent ... vous vous savez déjà condamnée ». Il n’avait vraiment pas mentie. Depuis cette nuit, qui lui semblait ne dater que d’hier, elle savait au fond d’elle sur quel genre de chemin elle s’était engagé. Un chemin dangereux, tortueux, et surtout difficile à traverser. Mais quiconque y parvenait finissait par trouver les réponses à ses questions, les réponses à ses désirs… En fait, bien souvent, il s’agissait uniquement d’une soif de pouvoir ou d’un quelconque autre péché inassouvi. Sans doute les raisons de Leïna devaient paraître bien misérable à côté. Seulement… Ces réponses, étaient désormais sa seule raison de vivre. Une raison qui pourrait paraître bien futile, voir même incompréhensibles. Mais dans tout les cas, l’actrice n’avait jamais cherché à se faire comprendre. Etait-ce un défaut ? C’était une chose qu’on lui avait toujours reproché. Pourtant, c’était si utile… une fois incomprise, la manipulation devenait bien plus aisé et de fait, il était bien plus simple pour elle de parvenir à ses fins. « Finalement Leïna, vous semblez avoir plus de points communs avec les créatures surnaturelles qu’avec les humains »… En y repensant, il restait vrai qu’elle ne s’était jamais sentie proche des humains. Elle se sentait si… Différente. Même physiquement, parfois, elle venait à se poser des questions. En effet, malgré ses combats, elle avait toujours eut l’impression d’être en parfaite condition physique. Et à ignorer la fine cicatrice sur sa hanche droite, elle n’avait aucunes autres marques. Pas même à son bras gauche après avoir subit son opération. Quoi que… C’est vrai, les technologies avaient progressés, elle n’était pas au moyen-âge. Et pourquoi pensait-elle à ça, au juste ? Serait-elle en train de… Regretter ?

La jeune femme se redressa lentement avant de soupirer et de passer une main dans ses cheveux. C’était risible. Elle avait mieux à penser pour le moment, et elle ne devait en aucun cas venir à regretter ses choix. Après tout, si elle était ici ce soir et à ce stade de son histoire, c’était parce qu’elle l’avait voulu, non ? Parfaitement. Et, quoi qu’elle en pense, elle ne reviendrait en aucun cas sur ses décisions. Si elle avait laissé une seconde chance à la créature, ce n’était pas sans raison. Elle savait, au fond d’elle, qu’il trouverait le moyen de la rallier à sa cause. Sûrement essaierait-il de tricher, de la duper… Non, c’était même obligé. Mais elle s’en fichait. Si elle n’avait en réalité pas l’intention de servir une cause qu’elle estimait ne pas être la sienne, elle n’avait pas plus d’intention de la subir. Et, à nouveau, elle jouerait son existence et ses états d’âme sur un véritable coup de poker. Ce serait sans doute le plus dangereux de tous ceux qu’elle aurait fait jusque là mais, comme celui qui serait peut-être son futur employeur le lui avait si bien dit, elle n’avait de toute façon plus rien à perdre. Surtout que, en réalité, elle ne cherchait pas que des réponses. Car si c’était le cas, pourquoi ne se laissait-elle pas aller en enfer dès maintenant pour y retrouver ceux que, sans doute autrefois, elle avait considéré comme ses parents ? Puisque c’était à première vue eux, les plus susceptibles de lui apporté des réponses. Sans doute celui qui s’était fait appelé « Ben » n’avait-il encore rien remarqué… Mais ce qu’elle convoitait depuis le début, c’était bien plus que de simples réponses. Il n’y avait aucuns rapports avec la richesse, ou le pouvoir. C’était bien autre chose. Une chose bien plus difficile d’accès, bien moins évidentes à déchiffrer. Et pour ça… elle n’avait jamais regretté son passé. Ou du moins, sa vie. Puisqu’à ne pas mentir, il y avait bien une chose qu’elle avait autrefois regretté : sa naissance. C’était aussi simple que ça… Alors, cherchait-elle vraiment le pardon ? Peut-être… Mais ce n’était sûrement pas auprès de sa famille défunte. Non. S’il y avait une personne auprès de laquelle elle devait se faire pardonner, c’était…

Un bruit de pas feutré attira soudain l’attention de la jeune femme, l’obligeant à couper court à ses pensées. Le son provenait juste sur sa droite, à une petite dizaine de mètres… Mais il n’y avait rien. Elle fixa plus attentivement les ténèbres. Après quelques secondes de silence froid, deux petites lueur furent visible, au moins aussi brillante que la nuit. Nul doute qu’il s’agissait d’un regard étranger. Mais, vu la hauteur… nul doute aussi qu’il s’agissait d’un animal. Un rongeur ? Non, c’était plus gros que ça. Doucement, la jeune femme se tourna à fin de se mettre face à cet intrus qui venait de la ramener à la réalité. Il ne s’agissait que d’un renard… Sans doute bien jeune, vu sa taille et son imprudence. Mais cette simple vue arracha un sourire à l’actrice. Le renard… Elle était un peu comme ça, au fond. A la fois solitaire et protecteur, avec un caractère endurci, un peu prédateur… C’était un peu comme ça qu’elle était, au fond. La jeune femme secoua légèrement la tête avant de se traiter intérieurement d’imbécile. Voilà qu’elle en venait à se comparer à un animal… Risible. Parfaitement calme, elle se mit finalement sur ses genoux et, sans mouvement brusque, elle passa une main derrière son dos afin d’y saisir un objet que, autrefois, elle avait évité. Lorsque sa main fut de nouveau visible, ses doigts étaient resserrés sur une arme à feu. Elle posa lentement cette dernière sur le sol, à sa gauche, avant de la repousser sur le côté. C’était comme un signe de non agression. Elle baissa ensuite la tête et, quelques minutes plus tard, elle put entendre les bruits de pas feutrés se rapprocher lentement d’elle, sans doute hésitant, méfiant. Et quoi de plus normal ? C’était déjà étrange qu’il s’approche d’un être humain… « Un être humain ». Ces mots résonnèrent si durement dans la tête de la jeune femme, qu’elle rouvrit les yeux et releva la tête afin de rester concentré sur la réalité. La bête se trouvait à quelques centimètres à peine, montrant ses crocs. Pourtant… Elle n’avait rien à craindre. Après une légère hésitation, l’actrice repoussa au plus loin d’elle toutes pensées et sentiments négatifs, puis tendit une main légère vers le renard qui la mordit dans un grognement agressif. Sous cette nouvelle douleur infligée, la jeune femme serra les dents pour ne laisser sortir aucuns sons, mais ne chercha pas pour autant à dégager sa main. Stupide ? Peut-être. Mais elle voulait prouver à l’animal qu’elle n’avait aucunes mauvaises intentions à son égard. Et puis ce n’était pas une simple morsure qui allait l’empêcher de se relever… Une bonne dizaine de secondes passèrent ainsi, sans qu’aucune de ces deux formes de vies ne bouge ni ne cède à l’autre. Des secondes qui parurent une véritable éternité à Leïna, mais elle était bien trop déterminé pour céder. Et si elle ne parvenait pas à se tenir face à un simple renard, comment pourrait-elle tenir face à un démon ?... La créature desserra finalement mâchoire et relâcha sa proie sans plus lui causer de tord. Elle ne chercha pas pour autant à s’approcher… Pas plus qu’elle ne s’éloigna. Faisait-elle preuve de courage pour les sien, ou de trop de curiosité ?... Un nouveau bruit, loin d’être celui que pourrait causer un simple animal fut fuir la bête. Elle s’arrêta quelques mètres plus loin pour jeter un dernier regard à sa victime, puis disparut derrière les broussailles sans plus rien demander.

- Stupide créature…, murmura doucement Leïna avant de secouer d’un geste vague sa main ensanglantée tandis que son autre main retrouvait une prise sur l’arme à feu.

Elle ne se préoccupa pas plus du bruit qui avait fait fuir l’animal, et se laissa retomber dans l’herbe pour jeter à nouveau un regard vers le ciel étoilé. Une première goutte de pluie vint s’écraser sur son front. Une seconde suivit rapidement, avant que quelques autres ne suivent le même chemin. « Ce temps colle bien à mon humeur, tient… » songea-t-elle amèrement tendit qu’elle fermait les yeux. Le démon aurait-elle réponse au dilemme qu’elle lui avait posé ? Et si oui, saurait-il la retrouver ? Si c’était le cas, et bien… il ne devrait sans doute plus tarder. Après tout, les vingt-quatre heures étaient bientôt écoulés…

Il y avait maintenant un peu plus de vingt deux heures que Leïna avait quitté Baeladroth au 7/24. Bientôt l’échéance arriverait à son terme. Pourtant le démon restait dans sa voiture à attendre. Il savait qu’il y aurait un signe. Cette femme portait la souillure du Mal en elle. Fatalement, elle offrirait au Déchu une possibilité de la corrompre. Assis, une main sur le volant, l’autre à tapoter de ses doigts le haut du fauteuil passager, il attendait, à l’arrêt dans un parking de Riverwood. Puis soudain, il le vit. Un appel caractéristique, celui d’une âme qui ne demande qu’à être convertie. Il était semblable à la lueur d’un phare, illuminant l’esprit du démon par flashs, sur un rythme qui s’accélérait de manière imperceptible. Une lueur d’une faible intensité au départ, mais qui progressivement gagnait en force. Bael’ n’avait plus qu’à se rendre au point d’origine de cet appel pour trouver le mortel assailli par le doute. D’ailleurs le démon avait une idée sur l’identité de ce mortel.

Quelques minutes plus tard, Baeladroth gara son véhicule à l’orée d’un bois en bordure de ville. Malgré l’heure tardive, la lune éclairait le sous bois de sa lumière argentée. Le démon progressa alors parmi les bosquets. Il aboutit alors dans une clairière au moment où une fine pluie disparate commençait à tomber. Au milieu, étendue dans les herbes hautes se trouvait la source de l’appel et c’est sans surprise que le Déchu reconnut Leïna. A présent, cela devait faire vingt quatre heures que la jeune femme avait lancé son défis. Finalement, il semblait bien qu’elle avait sans le vouloir fixé le moment de son possible changement.

« Ainsi donc me voilà devant vous, exactement une rotation de ce monde après que vous m’ayez quitté. Est-ce le hasard ou le Destin ? L’absence de réponse n’en rend la situation que plus séduisante ... »

Bael’ s’approcha alors de la jeune femme qui au son de cette voix familière se redressa. A présent, elle était assise, la lune éclairant son visage d’un doux ton argenté. La pluie cessa de nouveau de tomber. La distance réduite qui séparait les deux protagonistes permit au démon de voir clairement le visage de son interlocutrice. Elle ne semblait pas surprise de le voir, comme si elle l’attendait finalement. Les questions devaient donc être assez oppressantes dans son esprit.

« Vous cherchez des réponses ou plutôt un moyen d’obtenir des réponses sur votre véritable nature, sur ce que vous êtes. Je n’y ai pas fait attention la première fois que je vous ai vu, mais à présent, je le sens. Si le meurtre de vos parents est un geste impardonnable, ce n’est pas lui qui vous a damné. Non. Vous l’étiez déjà bien avant. A dire vrai, vous avez toujours été damnée sans même le savoir. Reste à savoir pourquoi ... et je peux peut-être vous offrir le moyen de le savoir. »

Le regard du démon se porta alors sur la main ensanglantée de Leïna. Un sourire marqua alors son visage. Il s’approcha alors d’avantage et une fois à moins d’un mètre, s’arrêta pour ensuite tendre le bras droit, main ouverte, la paume orientée vers le sol. Sans même le vouloir, la jeune femme leva sa main blessée, venant la placer quelques dizaines de centimètres sous celle du démon.

« Comme c’est adorable ... vous avez anticipé ma demande du sacrifice. Voilà l’ingrédient indispensable au rituel : votre sang. »

Baeladroth prit alors un air beaucoup plus froid, effaçant tout sourire de son visage. Il était sur le point de conjurer des forces que peu de mortels pensaient réelles. Ses doigts se tendirent et s’écartèrent au dessus de la main de Leïna. Les gouttes de sang qui perlaient ralentir alors dans leur chute pour se stopper et finalement reprendre de l’altitude. A présent, le sang de la jeune femme s’écoulait vers le haut, s’emmagasinant à équidistance entre sa main et celle du Déchu. Lorsque le volume carmin fut suffisant, Baeladroth prit de nouveau la parole d’une voix plus sombre que d’habitude. Le son sembla résonner dans la clairière alors que tout autre bruit avait mystérieusement cessé depuis quelques secondes maintenant.

« Per Hemati de Filiae, Inanimus Parentis Animaten at Vocalian en Noctis . »

L’air autour de la sphère de sang sembla vrombir quelques secondes. A présent, la clairière n’abritait plus deux personnes mais quatre.

Toujours dans ses pensées, c’est à peine si la jeune femme fit attention à ce qu’il se passait. Elle ne daigna pas même relever la tête lorsque, sans qu’elle n’ait commandé à son corps de bouger, les muscles de son bras réagirent. Damné dès sa naissance ? Etait-ce vraiment possible ? Non. Il devait bluffer. C’était forcément un mensonge afin d’obtenir ce qu’il voulait : son âme. Après tout, elle n’avait jamais rencontré un seul démon cherchant la vérité lorsqu’un enjeu tel que celui-ci était de mise. Stupides créatures… Si seulement elle pouvait les avoirs à leur propre jeu, sur leur propre terrain… C’était ridicule. Qui pourrait réussir un coup pareil ?... En ce qui concernait la jeune actrice, elle avait plutôt ses moments. Un jour elle souhaitait éradiquer la race humaine, le lendemain elle souhaitait les aider dans leur guerre. Ses sauts d’humeurs étaient parfois tels que, bien qu’elle soit assez bornée dans ses idées, elle pouvait changer de berge en quelques minutes. De la même façon qu’elle l’avait fait il y a deux ans, allait-elle cette fois encore revenir sur une décision qu’elle avait pourtant mûrement réfléchit ? Allait-elle, pour la énième fois, abandonner les siens ?... Elle-même l’ignorait. C’était comme si, parfois, elle avait l’impression de mener une guerre au plus profond d’elle-même entre deux identités différentes. C’était… étrange. Et si elle ne parvenait pas à s’aider, qui pourrait bien le faire ? Alors, quitte à sombrer définitivement, elle avait bien l’intention de mener à bien sa quête personnelle. Et ce, même si elle devait franchir les limites. Ses limites. Le genre de frontière que, jusqu’à aujourd’hui, elle s’était toujours respecté à ne jamais les franchir. Elles étaient, disons, similaires à un code de conduite. Mais depuis vingt-quatre heures maintenant, tout ceci ne semblait plus d’actualité. Si elle avait bien des principes qu’elle n’enfreindrait jamais, certaines barrières n’existaient déjà pu. Et, à nouveau, elle allait les rendre inexistante par sa simple entrevue avec ce démon, et ce qu’elle envisageait de faire.

C’est le regard évasif que la jeune femme contempla la scène, sans y opposer la moindre résistance. Depuis l’arrivée de la créature à forme humaine, elle n’avait toujours pas prononcé mot. En fait, on aurait presque pu croire qu’elle ne le voyait pas. Cependant, elle était loin d’être aveugle. Et fort heureusement, qu’elle voyait. Avec le métier qu’elle avait fait, c’était une obligation. Leïna ne chercha pas tellement à comprendre les mots prononcé par le démon. Et ce n’est d’ailleurs que lorsque deux silhouettes furent visibles qu’elle daigna enfin réagir et montrer un intérêt à la situation. Alors, lentement, elle se leva avant de braquer rapidement l’arme qu’elle détenait vers les deux personnes. Ou plus particulièrement vers celle de gauche. Aussitôt, une détonation déchira la nuit avant que, sans doute dans l’incompréhension de ses interlocuteurs, la jeune femme ne baisse de nouveau son bras. Sa cible, qui semblait être une femme d’une quarantaine d’années à peine, s’évapora dans les airs avant de, un pas plus loin, se rematérialiser. Sans doute cela n’avait aucun sens pour les autres, mais elle n’en avait cure, et ses paroles furent bien vides de sentiments.

- Désolé, je devais juste vérifier.

Pour des retrouvailles, il fallait bien avouer qu’elles étaient bien froides. Et nul doute qu’en avançant dans le temps, la situation ne ferait qu’empirer bien que chacun essaie de garder son sang-froid et un minimum de respect. Comment pouvaient-ils tous les trois êtres aussi sombres, aussi tendu, alors qu’ils se retrouvaient enfin ? Etait-ce par conscience, ou… Au contraire ?... Finalement, ce fut la femme qui engagea conversation, oubliant la balle qu’elle venait de se prendre par compréhension avant de prendre une mine sévère.

- Pourquoi nous as-tu amené ici ? T’es stupide ? Tu n’as donc rien retenue ?

- La ferme…

- Tu n’as pas à regretter ton geste, tu n’as fait qu’obéir.

- La ferme j’ai dit…, répéta doucement la jeune femme en ressentant de nouveau une migraine l’envahir.

- Ecoutes, ma fille… Ne fais rien de…

- La ferme !

Si l’actrice savait jouer un rôle, elle savait tout aussi parfaitement se faire entendre et obéir lorsqu’il le fallait. Et ce, même s’il s’agissait de ceux qui se prétendaient être ses parents. Etait-ce une blague ? une plaisanterie de mauvais goût de la part de son adversaire ? Essayait-il de l’arnaquer, ou bien lui-même, s’était-il fait avoir de la même façon qu’elle il y a des années de ça ?... C’était un mystère. Mais, pour le moment, elle avait bien plu important à traiter comme sujet. Entre autre, le couple qui se maintenait en face d’elle et pensait encore avoir le droit de se dire « parents ». Même si elle n’avait pas voulu s’énerver, il fallait avouer que sur le coup, donner cette ordre d’une manière si violente, si soudaine, lui avait fait du bien. A tel point que, de nouveau, elle reprit une attitude calme, neutre, mais surtout sûr d’elle.

- Vous deux… Ne dîtes plus jamais que je suis votre fille, lâcha-t-elle avant de se retourner vers le démon. Et toi… J’ai bien peur que tu es manqué ta dernière chance.

Sur cette dernière frase, elle avait affiché un léger sourire en coin. Etait-ce parce qu'il n'avait pas réussit, ou bien était-ce parce qu'elle croyait qu'il allait essayer à nouveau de la convaincre ? Dans tout les cas, une chose était sûr : la femme blonde aux allures féline et l'homme à la barbe naissante n'était pas ses parents. Pourtant, ils avaient bien dit "fille". Et eux-même semblait bluffé de la façon dont elle venait de leur parler. Mais cette fois-ci, Leïna ne fournirait sans doute que peu d'explication. Et si elle persistait à croire que ce n'était pas ses véritables parents... Disons simplement qu'elle avait ses raisons, ses preuves. Voilà tout. Alors, sans se préoccuper plus de ce qu'il se passait, ignorant volontairement les trois autres personnes, la jeune femme se dirigea vers le sentier et alla s'assoir sur le premier tronc d'arbre couché, le seul qui dépassait et pénétrait la clairière. Là, elle observa sa main et posa son arme juste à ses côté, avant de retirer sa veste légère pour éponger un peu la plaie. Elle semblait ignorer entièrement les autres protagoniste, sans n'afficher aucunes peurs de représailles. C'était comme si... Plus aucuns d'eux n'existaient pour elle.

Une fois le rituel terminé, les formes spectrales des parents de Leïna apparurent de chaque côté de la jeune femme. Baeladroth ne s’était pas trompé : c’est deux là étaient bien condamnés aux Enfers. C’est pour cette raison qu’il avait pu les invoquer. La femme avait une apparence svelte et souple et l’homme était plutôt banal dans son style, voire un peu négligé. Soudain, Leîna tendit une arme à feu et tira sur celle qui était sa mère. Cette dernière s’évapora pour réapparaitre quelques mètres plus loin, l’air compatissant. Devant cette réaction, Bael fut intrigué. Leïna ne semblait vraiment pas attaché à ces personnes, elles la laissaient plutôt indifférente. Ceci se confirma lors de l’échange verbal qui s’en suivit entre la jeune femme et les deux revenants. Les spectres tentèrent de la mettre en garde. Mais la jeune femme refusa de leur laisser le moindre temps de parole.

« Vous deux… Ne dîtes plus jamais que je suis votre fille. Et toi… J’ai bien peur que tu es manqué ta dernière chance. »

Suite à ces mots, Leïna s’éloigna. Elle alla s’asseoir sur le tronc d’un arbre couché et se servit de sa veste pour panser sa blessure. A présent, Baeladroth avait la certitude que les âmes invoquées auprès de lui n’étaient pas les véritables parents de la jeune femme. Ils étaient peut-être ceux qui l’avaient levé, mais en aucun cas, ils étaient ceux qui l’avaient créée. Le Déchu regarda alors les deux ex-parents avec un doux sourire de satisfaction. Ils avaient tous deux l’air abattu par la réaction et les propos de leur fille adoptive.

« Vous avez été pathétiques dans la vie et vous l’êtes encore plus dans la mort ... Qu’est ce que vous avez cru ? Que vous pourriez lui cacher sa véritable nature pour toujours ! Et bien, il semblerait qu’elle ait ses propres théories. A présent, j’ai besoin de réponses, alors dites-moi tout ce que vous savez sur elle et ses origines ! »

Devant le mutisme des deux esprits, Bael commençait à perdre patience. Qu’un mortel lui résiste était une chose qu’il pouvait tolérer : le Libre Arbitre était une règle à laquelle tous devaient se plier. Mais là, ces deux invocations semblaient avoir oublié qu’elles étaient damnées et que par conséquent, elles appartenaient entièrement aux Enfers. Pour ainsi dire, elles étaient des propriétés du démon.

« C’est maintenant que j’attends vos révélations, inutile de remettre ça aux calendes grecques ! »

Baeladroth porta alors un regard mal intentionné sur l’homme. Sans que le démon ne fasse un geste de plus ou ne dise un mot, l’homme tomba à genoux en poussant des cris de douleurs.

« Si vous pensiez être immunisés à la douleur après la mort, c’est que vous connaissez encore mal le monde dans lequel vous êtes à présent. Elle peut être bien pire, car si de votre vivant, le décès peut vous délivrer d’une douleur trop grande, à présent, rien ne peut la limiter dans le temps ou l’intensité. »

A présent, le Déchu se tourna vers la femme qui horrifiée regardait son mari en proie à une douleur insoutenable pour elle.

« Dois-je continuer ou êtes-vous prête à collaborer ? Il serait dans son intérêt que votre langue se délie ... »

Baeladroth avait peut être perdu son challenge en ne parvenant pas à rallier Leïna à sa cause, mais si elle devait être une ennemie, alors il tenait absolument à en connaître un maximum à son sujet.

La damné continuait de fixer son mari, impuissante à cette douleur qui lui était infligé. Devait-elle parler, ou bien respecter les codes de leur couple en ne trahissant jamais les leurs ? Le dilemme était trop grand, trop puissant pour elle. Si elle avait été chasseuse, elle avait aussi été humaine. Et de ce fait, elle avait gardé ses faiblesses sentimentales et ce, même dans l’autre monde. Et puis… Elle était tout aussi curieuse que le démon à qui elle faisait désormais face. S’il pouvait l’aider à découvrir de qui était cet enfant qu’elle avait élevé, elle ne pouvait pas se refuser à cette intervention. Et ce, bien malgré l’avis de son compagnon qui, bien qu’il semble incapable de parler sous la douleur, lui faisait parfaitement comprendre dans son regard qu’elle devait se taire. Seulement, humaine comme elle l’était, elle préféra ignorer entièrement ce regard interdit et porta son attention sur le démon. Si elle venait de perdre son sang-froid il y a un instant, elle venait de le récupérer tout aussi rapidement.

- Je sais qui tu es… Baeladroth. Et je sais aussi de quoi tu es capable. Seulement si tu veux ma coopération, tu vas devoir laisser ce qu’il reste de ma famille tranquille, menaça-t-elle à moitié, d’une voix parfaitement calme.

De son côté, Leïna avait relevé la tête vers les trois protagonistes. De quoi discutait-il, au juste ? Ces anciens chasseurs avaient-ils rejoins ceux qu’ils s’étaient juré d’exterminer ? Non… Elle les savait parfois stupide, mais pas à ce point là. Quelque chose se passait forcément. Et si l’actrice s’était éloigné, elle n’avait pas été assez loin pour n’entendre aucuns sons sortir de la bouche de ces êtres étranges. Alors comme ça, ce démon s’appelait Baeladroth ? Sa ne lui disait rien. Dès demain, elle irait faire des recherches et continuerait ces dernières jusqu’à trouver une réponse à cette identité. En attendant, la suite de cette discussion promettait d’être intéressante. Soit. Pourquoi ne pas en profiter, alors ? De toute façon, elle n’avait rien à perdre ce soir.

Les douleurs de son père adoptif semblèrent s’arrêter. Ou du moins, diminuer puisqu’il se releva lentement afin de fixer d’un regard haineux la cause de son mal-être actuel. Si l’occasion de l’éliminer se présentait, il ne faisait aucun doute qu’il ne la raterait pas. Mais il avait un autre problème à régler en cette soirée : sa femme. Il s’était juré de ne rien dire. Alors pourquoi s’était-elle décidée à dire ce qu’elle savait ? Surtout que, aussi bien que lui, il ne faisait aucun doute qu’elle savait que leur fille adoptive était resté non loin afin de garder un œil sur la conversation. A moins que… Non, il venait de comprendre. En réalité, c’était très bien joué de la part de sa femme et, de ce fait, il ne chercha pas à lui faire la morale.

- Comme elle l’a si bien dit, elle n’est pas notre fille… Nous l’avons trouvé durant une chasse alors qu’elle avait deux ans à peine. Nous ne savons rien de ses véritables parents… Mais quelques incidents nous laisse penser que…

Une nouvelle détonation vint couper court à la discussion et, à nouveau, le spectre féminin se dématérialisa pour réapparaître une seconde plus tard. Leïna n’avait pas besoin de la suite pour faire le rapprochement de ces quelques mots et comprendre les hypothèses qui étaient formés. Et puis, elle n’avait aucune envie que ce dénommé Baeladroth ne connaisse sa vie, non plus. Elle devait mettre fin à cette discussion, et le plus vite possible. Dans un mouvement rapide, elle laissa tomber dans l’herbe son chargeur actuel pour en mettre un autre. Le seul contenant autre chose que des balles d’argent. Maintenant qu’elle y pensait, elle ne remercierait jamais assez son collègue acteur de lui avoir avoué son penchant pour les semi-automatique. Mais ce n’était qu’un détail et, même si elle ne pouvait pas pour le moment, elle devrait très bientôt remettre cette arme à sa place.

- Navré de devoir couper court à cette conversation qui vient à peine de commencer, mais je n’ai aucune envie de voir ma vie s’étaler au grand jour, déclara-t-elle en revenant vers les trois personnes.

Si il était vrai qu’elle n’avait aucune envie que tout ça se sache par quelqu’un d’autre qu’elle, il était également vrai que, si elle souhaitait mettre fin à cette partie qu’elle avait elle-même lancer, c’était aussi parce qu’elle venait d’obtenir des renseignements intéressant. Accessoirement, bien qu’elle n’en dise rien, c’était aussi parce qu’elle n’avait aucune envie de voir ces deux êtres souffrir une nouvelle fois par sa faute. Ou du moins, sous ses yeux. Après… Ce n’était pas si important que ça.

- On va pas vous retenir plus longtemps, dépêchez-vous de partir, envoya-t-elle à ses parents adoptifs en prenant de court le démon. Puis, elle se tourna vers ce dernier tout en pointant son arme d’une main en direction de sa tête avant de reprendre. Je n’accepte pas vraiment ce genre de triche… Baeladroth, n’est-ce pas ?... Je me doutais bien que vous ne respecteriez pas entièrement les règles. Vous ne valez pas mieux que les autres…

- Ca suffit Leïna.

Bien que surprise de cette intervention, la jeune femme ne quitta du regard le déchu ni ne baissa son arme. Pourquoi intervenait-elle ? Elle devrait déjà être partie, elle et son stupide mari. Voulait-elle mourir une seconde fois dans ce monde ? Vraiment… Certaines personnes restaient parfois incompréhensibles. Aussi loin que l’actrice se souvienne, ce cas s’était toujours appliqué à sa mère chasseuse dans toute situation grave. Etait-ce une situation grave ? Peut-être. Mais elle en doutait vraiment.

- S’il peut aider à savoir qui tu es… Ne refuse pas son aide. Tu sais que tu n’as de toute façon pas le choix.

Touché. Il était vrai que, quoi qu’elle en dise, elle ne devait pas en avoir le choix. Du moins, en théorie. Mais vu la situation qui commençait à lui échapper, la jeune femme ne voulait prendre aucuns risques inutiles. Et dire qu’elle avait, jusque là, prévu la plupart de ce qui se passait… Là, tout commençait à se compliquer. Et pas vraiment de la bonne façon. Elle devait mettre fin à cette mascarade, et le plus rapidement possible.

- Ce n’est qu’une théorie. Je trouverais un autre moyen.

- T’es vraiment borné… même quand t’as tord.

- Peut-être. Mais ça, y’a qu’un moyen d’être sûr, répondit-elle dans un léger sourire froid.

Si elle pouvait parfois agir de façon incohérente ou complètement stupide aux yeux des autres, elle ne faisait jamais rien sans raison. Ou du moins, dans ce genre de situation. Après, il était vrai que parfois elle agissait avant de réfléchir. Mais… c’était de plus en plus rare, bien qu’elle laisse parfois penser le contraire. Elle ne se plaignait pas de cette apparence entièrement fausse qu’elle donnait. Elle s’en satisfaisait même, en fait. Etait-ce vraiment normale ? Peut-être. Peut-être pas. Elle se foutait que ce le soit : elle était comme ça, c’est tout. Après un dernier sourire vers Baeladroth, la jeune femme se retourna vivement vers les deux âmes et deux nouveaux coups de feu retentirent dans la nuit. Mais, cette fois, les deux âmes ne réapparurent pas…

Face aux effroyables tourments que le démon infligeait à l’âme de son mari, l’esprit de la femme ne put se retenir de coopérer. Cet amour pour sa moitié l’avait suivi même après la mort et ça, Baeladroth le savait. Elle se voulut menaçante, mais que pouvait-elle réellement faire ? Elle le savait, son état de spectre était totalement impuissant face à son ennemi. Elle commença alors à vraiment coopérer mais plus dans le but d’aider sa fille adoptive à comprendre.

« Comme elle l’a si bien dit, elle n’est pas notre fille… Nous l’avons trouvé durant une chasse alors qu’elle avait deux ans à peine. Nous ne savons rien de ses véritables parents… Mais quelques incidents nous laisse penser que … »

Une nouvelle détonation dispersa l’invocation qui réapparut le souffle coupé. Le Déchu n’aurait pas la suite. Leïna avait interrompu sa mère, préférant sans doute préserver le secret de son identité. Elle changea de chargeur et s’approcha du trio, mettant en joue le démon. Les humains et le culte des armes avaient toujours fait rire les créatures des Enfers ... jusqu’au jour où les mortels apprirent à les confectionner de sorte qu’ils puissent nuire au Mal. Pourtant, Bael’ garda son flegme habituel. S’il fallait, il avait les moyens d’échapper à la morsure de l’arme. Une fois à proximité, Leïna demanda à ses parents de quitter les lieux. Mais ne pouvant le faire volontairement, ils restèrent, devant attendre d’être banni ou d’être renvoyé par celui qui les avait invoqués. Puis, fixant le démon sans cesser de le viser, elle rajouta :

« Je n’accepte pas vraiment ce genre de triche… Baeladroth, n’est-ce pas ?... Je me doutais bien que vous ne respecteriez pas entièrement les règles. Vous ne valez pas mieux que les autres… »

Baeladroth eut un léger sourire, involontaire. Entendre son nom prononcé par la mortelle ne lui plaisait pas vraiment. Elle parlait de quelque chose dont elle n’avait aucune notion, manquant par là même du respect qui lui était dû.

« Mais de quelles règles parles-tu Leïna ? Tu m’as demandé de te convaincre. Mais pour ça, j’ai besoin d’en savoir d’avantage sur ta personne ... je mène donc mon enquête comme tu le feras à mon sujet. Nous n’avons établi aucune règle. »

Une nouvelles fois, ses parents intervinrent pour tenter de la raisonner ou peut-être pour la protéger. Ils voulaient lui faire comprendre que collaborer avec le démon serait pour elle le seul moyen d’en apprendre d’avantage sur sa véritable nature. Sans hésiter, Leïna tira sur son père et sa mère, les renvoyant définitivement dans l’Ether. A présent, la clairière n’abritait de nouveau plus que deux personnes. La jeune femme faisait face au Déchu, pointant de nouveau son arme vers lui. Son regard ne montrait aucune faiblesse, elle semblait plus déterminée que jamais.

« Tu n’as pas besoin de cette arme contre moi. Tu es trop précieuse pour que j’en veuille à ta vie. Tu devrais écouter les recommandations de ceux qui t’ont élevé comme leur propre fille ... ça serait plus sage. En revanche, je ne peux bien entendu pas te forcer la main, tout comme je ne peux pas t’empêcher de chercher à en savoir d’avantage sur moi. La tâche sera difficile, je préfère te prévenir tout de suite, mais pas impossible. En revanche, avant que tu ne commences, je préfère te mettre en garde : renonce il n’est pas trop tard, car lorsque tu connaitras la vérité, tu ne pourras plus faire sans. »

Voyant que la jeune femme le tenait toujours en joue, Baeladroth fit un pas en avant, réduisant la distance qui séparait les deux individus. Son père avait raison : cette petite idiote était bornée. Une chance pour elle que son cas soit si spécial, sinon le démon s’en serait débarrassé depuis un moment déjà. Le visage froid et la voix ferme, il s’adressa de nouveau à celle qui le menaçait d’une arme.

« Alors Leïna, que comptes-tu faire à présent ? »

La mise en garde du Déchu n’eut aucun effet sur la jeune femme, qui restait en face de lui et n’évitait ni à le défier, ni à le provoquer. Était-ce parce qu’elle pensait, elle aussi, qu’il ne pouvait se débarrasser d’elle pour le moment ? Non. C’est à peine si cette idée lui avait traversé l’esprit. Pourtant, c’était une idée qui aurait pu expliquer bien des choses. Mais, même seule face à lui, elle ne comptait toujours pas changer de comportement. Et ce, même si elle avait sans doute tord et que, comme sa dite mère l’avait si bien insinué, elle devrait plutôt faire profile bas. Mais ça… N’avait jamais été dans ses cordes. Et ce, qu’importent les circonstances. Si elle savait se taire, elle ne savait pas pour autant baisser les yeux et, il est vrai, sans doute aurait-elle dû apprendre. Mais elle n’en avait cure. Il était certain qu’elle n’accepterait en aucun cas que ce démon enquête sur elle comme s’il s’agissait d’une fugitif. Cependant, sans comprendre pourquoi, son instinct lui criait de ne pas s’en prendre à lui. Pour la première fois, son intuition s’avèrerait-elle mauvaise ? Il n’y avait pas trente six solutions de le vérifier et, cette fois, il était clair qu’elle agirait en fonction de sa tête et non de ses impressions. Idiot, peut-être. Mais réel.

- Renoncer ? Ca n’a jamais été dans mes intentions. Mais n’est-ce pas le but d’une vie terrestre ? Savoir qui nous sommes, et à quoi nous servons… Du moins, c’est ce que j’ai entendu dire.

Sa dernière phrase indiquait clairement que, si d’autres le prétendait, elle n’était pas entièrement convaincu. Et même avait-elle d’autres raisons de vivre en ce qui la concernait. Des raisons moins évidentes, sans doute. Mais il était inutile de les avouer, elle savait qu’elle ne pourrait être comprise. Et accepter la pitié, n’était pas dans ses moyens. Visiblement, elle venait de reprendre la situation en main et, dans un sens, le fait qu’elle comprennent où chercher pour connaître un peu mieux la créature à laquelle elle faisait face les mettait, en quelques sorte, sur un pied d’égalité. Mais… Si elle pouvait avoir quelques longueurs d’avance, elle ne chercherait pas à les éviter : l’enjeu était bien trop important pour elle. Allait-elle appuyer sur la gâchette ? Peut-être. Mais vu le niveau de son adversaire, elle doutait de pouvoir faire mouche aussi facilement. Toutefois, cette arme était pour le moment sa seule véritable ligne de défense. Au-delà, il n’y avait rien. Ou du moins, rien de plus qu’une lame d’argent qu’elle avait toujours sur elle. Par crainte, ou par méfiance ? Peut-être un peu des deux. Au fond, elle savait qu’elle ne pouvait fuir éternellement et, sans doute pour cette raison, conservait-elle toujours de quoi se défendre sur elle. Même si, parfois, ça s’avérait complètement inutile. Comme cette nuit, par exemple.

Une nouvelle averse se mit à tomber. Une majeure partie de sa veste enroulée autour de sa main blessée, la jeune femme referma inconsciemment ses doigts dessus. C’était comme si elle sentait que, d’une seconde à l’autre, quelque chose allait se passer. Ou, peut-être, était-ce parce qu’elle se sentait tiraillé entre deux pensées totalement contradictoire et que, malgré ses efforts, elle ne parvenait pas à se défaire de ce maudit nœud intérieur. D’un côté, elle avait une folle envie de s’en prendre à Baeladroth. Tout d’abord parce qu’il s’agissait d’un démon, mais aussi parce qu’elle était certaine qu’il ne lâcherait pas l’affaire facilement. Envisager qu’elle ne serait jamais tranquille la poussait fortement à vouloir le renvoyer en Enfer. Mais, d’un autre côté, quelque chose lui laissait penser qu’elle aurait sans doute dans un futur proche, besoin de lui. Qu’il ne lui serait pas inutile. Ou, plus particulièrement, qu’il pourrait causer sa perte et l’aider dans sa quête personnel sans même s’en rendre compte. Appuyer, ou baisser cette arme ? Le choix devenait difficile. Et plus elle y réfléchissait, plus elle hésitait. Même si, en apparence, elle restait toujours aussi froide et calme.

- La vérité sur ma naissance… Qui a dit que c’était vraiment ça, que je cherchais ? J’ai bien l’impression que tout ne se passe pas comme prévue… chéri, lança-t-elle en pure provocation.

Son dernier mot avait été choisit et, à dire vrai, elle savait que bien peu de démon supportait qu’un mortel leur parle ainsi. A nouveau, elle semblait chercher à lui faire perdre patience et, en outre, à lui faire commettre des erreurs. Cependant, elle n’avait à nouveau aucunement cherché à mentir dans ses propos. Si elle recherchait effectivement ses véritables parents, ce n’était sûrement pas pour connaître ses origines. Les raisons étaient bien plus sombre et, en fait, le simple fait d’y penser la rendait malade.

- En fait, c’est tout réfléchit, déclara-t-elle avant d’appuyer sur la détente.

Leïna continuait de pointer son arme en direction du visage du démon. Elle semblait déterminer, pourtant, au fond de ses yeux, Baeladroth put voir le doute : tirer ou abdiquer. Il avait surement les réponses qu’elle cherchait, ou du moins les moyens de les lui donner. Mais surtout, il était possible qu’il soit le seul à plusieurs états à la ronde à en avoir le pouvoir. Mais la jeune femme connaissait les démons et elle savait qu’elle ne pouvait pas leur faire confiance. La pluie se remit à tomber, ruisselant sur le visage et la chevelure de la jeune femme. L’eau réamorça le saignement de sa blessure à la main, imbibant d’avantage sa veste du liquide écarlate.

« La vérité sur ma naissance… Qui a dit que c’était vraiment ça, que je cherchais ? J’ai bien l’impression que tout ne se passe pas comme prévue… chéri. »

Comment avait-elle osé tant de familiarité avec le démon ? Le tutoyé était déjà limite, mais à présent, elle prenait un malin plaisir à l’appeler avec des sobriquets de mortels pathétiques. Si elle ne cherchait pas ses origines, en revanche, ce point intrigué d’avantage le Déchu et il y avait peu de chance qu’il se détourne de ses recherches. Puis, Leïna, l’air résolut rajouta :

« En fait, c’est tout réfléchit. »

A ce moment précis, Baeladroth sut les intentions de la jeune femme. Il vit le mal remonter en elle comme une bouffée. La détonation de l’arme résonna un moment dans la clairière, couvrant le bruit de la pluie sur les feuillages. La balle avait surgit du canon de l’arme et dans sa course vers sa cible, elle était entrée en combustion, à l’image d’un débris spatial entrant dans l’atmosphère. Au final, elle avait entièrement disparu avant même d’atteindre le démon. Qu’importe l’arme utilisée contre lui, Baeladroth avait depuis longtemps appris à en détourner les attaques. Sa maîtrise du feu des Enfers était telle qu’il pouvait ordonner aux flammes noires avec une rapidité inimaginable pour les mortels.

Immédiatement, le démon écarta l’arme d’une main avec une telle rapidité que sous le choc la jeune femme la lâcha. De son autre main, il saisit l’insolente à la gorge, la soulevant de plusieurs dizaines de centimètres au dessus du sol. Son étreinte était-elle, que Leïna pouvait tout juste respirer. Empli de rage face à cet affront, Bael’ tenta tout de même de se freiner de peur de tuer celle dont il était persuadé qu’elle pourrait lui être utile à l’avenir. Il porta alors sur elle un regard que nul ne pouvait supporter sans être saisit des pires craintes que puisse ressentir un mortel. Ses pupilles n’avaient plus rien de celles d’un humain. A la place du bleu cristallin qu’elles arboraient habituellement, le démon avait deux yeux rouges vifs. L'aura de ténèbres que déploya Baeladroth plongea la clairière dans une semi pénombre angoissante. Depuis la nuit des temps, cette aura avait toujours paralysé les mortels et Leïna n’y faisait pas exception. Le souffle court, c’est un regard inquiet qu’elle portait sur le démon, tentant de le faire lâcher prise des deux mains. Mais rien à faire, la poigne d’acier ne céda pas. Le démon s’adressa alors à elle, d’une voix impitoyable.

« Je crois que tu n’as pas bien compris ce que t’ont dit papa et maman. Je ne suis pas n’importe quel démon abâtardi que tu as pu affronter et vaincre par le passé. Alors ne joue pas avec ma patience, tu m’es peut être précieuse mais pas indispensable. »

Baeladroth la relâcha, la laissant retomber au sol brutalement. A présent, elle était à genoux, les mains sur sa gorge, tentant de reprendre son souffle. Le Déchu marcha lentement autour d’elle, détendant les muscles de sa nuques par des mouvements de tête. Il devait faire baisser sa colère au risque de commettre un geste qu’il regretterait ... les mortels étaient des créatures si fragiles, un rien pouvait les tuer.

« Très bien, maintenant que j’ai clarifié les choses, nous allons pouvoir parler sérieusement. Je n’ai, comme qui dirait, pas le temps de jouer aux devinettes, j’ai autre chose sur le feu. Je t’ai proposé de me rejoindre en échange de ce que tu veux et tu as refusé ma proposition de manière plutôt grossière. Qu’à cela ne tienne, je vais te reformuler ma proposition. »

Bael’ s’arrêta alors en face de Leïna toujours à genoux.

« Vas-tu marcher avec moi ou contre moi ? Le choix de ta réponse sera déterminant pour les évènements avenir, alors réfléchis bien. Je peux t’offrir bien plus que des réponses. Mais si tu choisis de te dresser contre moi, je ne t’en tiendrai pas rigueur, c’est ton droit avec toutes les conséquences qui vont avec. Alors ? »

Finalement, la jeune femme était parvenue à faire perdre son calme à son adversaire. Elle en était dans un sens satisfaite, malgré les conséquences qui s’en suivirent. Une chance sans doute, qu’il se soit contenté de la saisir à la gorge. Autrement, elle-même ne préférait pas imaginer de quelle façon elle s’y serait prise. Mais cette satisfaction ne dura que quelques secondes : peu après son geste, le démon la relâcha tout aussi brutalement qu’il s’était saisit d’elle avant de lui tourner autour tel un vautour. Une attitude que, en outre, elle ne supportait vraiment pas. Mais là, tête basse, elle souriait. A nouveau, elle s’était trouvé un point commun avec cette créature qui, cette fois, touchait leur caractère respectif. En effet, Baeladroth venait d’agir exactement de la même façon qu’elle quelques minutes plus tôt. Elle, de son côté, s’était éloigné afin de ne pas faire d’erreur après avoir une seconde, en pressant la détente, calmé ses nerfs. L’instant n’avait durant que peu de temps, exactement de la même façon que son interlocuteur qui, lui, avait préféré une courte violence physique avait de marcher. La jeune femme commençait sérieusement à croire qu’il avait raison : elle avait bien plus de point commun avec ces êtres qu’elle avait chassé pendant tant d’année que ces humains qu’elle côtoyait désormais. Seulement… Point commun ou pas, elle ne voulait en aucun cas devenir ce qu’elle s’était juré d’éviter…

Rejetant cette pensée à mi-chemin entre l’ironie et le dérisoire, la jeune femme se reconcentra de nouveau sur la créature aux apparences humaines afin de ne pas rater un seul détail du discourt qu’il avait tenu. Un véritable monologue, dont le contenu ne l’intéressa qu’en bien peu de partie. Elle savait parfaitement qu’elle n’était pas indispensable, mais quelque chose lui laissait croire qu’il ne pourrait pas se débarrasser d’elle comme ça. Du moins, pas aussi simplement, et encore moins ce soir. S’il était vrai qu’elle jouait avec sa patience et qu’il estimait bon d’avoir une réponse définitive, la jeune femme pensait réellement que, s’il devait la supprimer, il ferait d’abord des recherches sur elle afin d’être certain de ne commettre aucunes erreurs. A moins que… travaillait-il, dans l’ombre, à son propre compte ? Ce n’était pas impossible. Après tout, elle avait déjà rencontré quelques exceptions par le passé, bien que leurs puissances ne soient pas comparables. Enfin, ceci était une autre histoire. Pour le moment, la seule chose vraiment importante, était de lui faire commettre ne serait-ce qu’une erreur, même infime, qu’elle pourrait relever et qui lui serait bien utile. Suicidaire ? Peut-être. Après tout, bon nombres de personnes se seraient déjà enfuit ou aurait déjà riposté à cette violence dont la seule échappatoire n’était ni plus ni moins la mort.

La jeune femme eut un léger rire alors qu’elle n’avait toujours pas prise la peine de se lever. Pensait-il parvenir à un quelconque résultat en s’y prenant de la sorte avec elle ? Peut-être, peut-être pas. Mais, dans tout les cas, l’actrice ne chercha pas à se retenir. Elle se releva finalement, ayant reprise son souffle, et lança un regard et un sourire amusé au démon qui ne sembla pas tellement comprendre une telle réaction.

- Tu m’assures pouvoir me donner ce que je veux, sans même savoir ce que c’est. C’est vraiment pathétique, s’amusa-t-elle sans gêne. J’en viendrais presque à me demander qui ici est le plus idiot.

Suite à ces mots, comme si le temps avait voulu l’appuyer, l’averse s’intensifia considérablement sans laisser le temps aux deux êtres d’anticiper quoi que ce soit. Et, quelques secondes plus tard, plus aucunes gouttes ne leur tombaient dessus, le nuage passager s’éloignant à grand pas. L’ancienne chasseuse essuya l’eau sur son visage d’un léger revers de bras, avant de se passer une main dans les cheveux. Bien qu’elle n’en dise rien, sa blessure commençait sérieusement à la bruler et, un instant, elle espéra n’attraper ni virus, ni infection. Après tout, l’autre animal était sauvage, qui pourrait prédire s’il était en parfait état de santé ou non ? Elle imaginait déjà la page du journal, indiquant son décès dû à une morsure de renard… C’était de l’humour noir, mais elle n’avait pu s’empêcher d’y penser, ce qui lui arracha un nouveau sourire froid.

- Je ne suis pas indispensable, mais mon cas t’intrigue. Et c’est bien pour ça que, quoi que tu dises, tu ne chercheras pas à me supprimer avant d’en savoir plus. Me blesser, peut-être… , ajouta-t-elle en feignant la réflexion. Ou quelque chose dans ce gout là.

Furtivement, elle jeta un coup d’œil à l’arme à feu qui était désormais dans l’herbe, à peine visible, avant de reporter son regard vers Baeladroth. S’ils se ressemblaient vraiment… Alors, tout comme elle, il n’irait pas en travers de sa route pour le moment. Mais, évidemment, la jeune femme n’en était pas convaincue. Lorsqu’on était déjà mort et que, de plus, on possédait une puissance d’une valeur plutôt conséquente, on ne craignait que bien peu de chose. Et, en parlant de puissance, la jeune femme était bien déterminée à savoir quel objectif l’amenait à cette ville. Et ce, quitte à se montrer un peu plus suicidaire qu’elle ne l’avait déjà été jusque là. Alors, calmement, Leïna s’avança jusqu’au démon et ne laissa désormais plus que quelques centimètres les séparés.

- Moi aussi, je pensais que les choses étaient claires. Et je n’aime pas vraiment me répéter, mais, pour cette fois, je vais fermer les yeux et le redire pour la dernière fois : Je ne travaille qu’a mon propre compte, déclara-t-elle calmement en le fixant dans les yeux, avant de poser sa main non blessé sur le visage de la créature à l’apparence humaine. Désolé, « baby », mais je ne ferais pas d’exception pour tes beaux yeux.

Suite à cette dernière provocation du moment, elle fit un sourire en coin accompagné d’un clin d’œil puis retira sa main. A nouveau, elle semblait tout faire pour qu’il perde son sang-froid. Et pourtant… Cette attitude provocante était son véritable caractère et, cette fois, elle ne le cacherait pas avant un moment. D’ailleurs, elle ne se préoccupa pas plus des conséquences. Et pour preuve : après un dernier regard, elle lui tourna même le dos et se dirigea vers le coin d’herbe ou l’arme à feu avait atterrit plus tôt.

Malgré la réaction du démon, Leïna semblait décidée à vouloir continuer de jouer avec les nerfs de l’homme qui lui faisait face. Téméraire, elle parvenait à garder le sourire et même à rire. Tout en continuant de lui manquer de respect, elle lui fit comprendre qu’elle avait bien compris qu’il le la tuerait pas tant son cas semblait hors norme. Elle répéta également qu’elle ne travaillait que pour elle et que par conséquent, elle n’avait nullement besoin d’un démon aussi pathétique et idiot que lui. Elle alla jusqu’à poser sa main sur le visage du Déchu avant de s’éloigner, le défiant par ce geste.

Pour Baeladroth, il devenait clair que cette insolente ne cesserait pas et qu’elle cherchait à lui faire perdre une nouvelle fois patience, espérant qu’il commette une erreur. Mais il se ferait un plaisir de ne pas lui offrir cette joie. Il était peut être amer, venant de subir un échec dans sa tentative d’enrôlement, cependant, il ne devait pas perdre son sang froid pour une simple humaine. Elle n’avait visiblement pas complètement conscience de la nature et du statut de l’être qui se dressait devant elle, ou bien, aveuglée par son arrogance, elle n’en percevait pas les conséquences. Le démon la laissa s’éloigner avant de lui répondre à son tour d’une voix de nouveau calme et pleine d’assurance.

« Puisque je suis idiot et pathétique, je ne te suis pas nécessaire. Mais ça ne te pose pas de problème puisque tu préfères travailler seule ... pour ton propre compte. Tu préfères ne pas écouter les conseils des autres ... c’est tout à ton honneur. Visiblement, tu es capable d’atteindre tes objectifs sans le concours de personne. »

Bael’ remit les mains dans ses poches. Il recula en direction des bois, sans quitter du regard la jeune femme qui à présent lui tournait le dos.

« Et bien, je crois que les vingt quatre heures sont largement écoulées, je n’ai pas réussi à te convaincre ... mais d’ailleurs, tu ne m’as pas convaincu non plus. A dire vrai, tu es peut-être exceptionnelle ... mais totalement inutile aussi. Je me rends compte que j’ai perdu trop de mon précieux temps à tenter de te raisonner. »

A présent, le Déchu était arrivé au niveau des premiers arbres. Il s’arrêta, tout en continuant d’observer la jeune femme, au cas où elle aurait souhaité rajouter quelque chose d’autre. Il était déçu du comportement de cette dernière. Son attitude présomptueuse et son assurance mal placée la rendaient totalement incontrôlable, pour lui, mais pour elle également. Etait-elle à ce point aveuglée par sa fierté, ou bien jouait-elle un rôle afin de manipuler le démon ? Baeladroth n’aurait su le dire. Et d’ailleurs, il ne voulait pas le savoir. S’il n’était pas parvenu à la convertir à sa cause, c’est que le moment n’était pas venu. Parfois, il fallait savoir être patient pour pouvoir ressaisir sa chance à un moment ultérieur.

Agissait-il de cette façon parce qu’il était possible pour une créature de son genre d’être blessé (vexé ^^), et qui plus est par une humaine ? Ou bien cherchait-il à lui faire comprendre qu’il se contrôlait bien plus qu’il ne l’avait laissé penser pour le moment… Ou, peut-être, un peu des deux. La jeune femme ne savait quoi penser pour cette fois-là. En fin de compte, les deux êtres semblaient autant l’un que l’autre borné dans leurs idées. Ce qui se passait actuellement faisait presque penser à l’humaine aux scènes de théâtre si ridicule qu’elle n’avait jamais réussit à supporter. Le genre de pièce mélodramatique qui caricaturait parfois la vie de deux êtres totalement opposés. Enfin… Ce n’était qu’une piètre comparaison et, à cet instant, elle-même se demanda d’où lui était venue cette idée. Ou, peut-être, cette scène lui rappelait-elle un film qu’elle avait tourné. Elle ne savait plus très bien, mais tout lui donnait un goût de déjà vu, même si ce n’était pas forcément du vécu.

La jeune actrice ramassa l’arme par terre puis éjecta le chargeur, afin d’en vérifier le contenue. Il n’y avait que trois misérables balles que, sans doute, elle n’aurait jamais dû songer à gâcher. S’il était vrai qu’elle avait cessé de chasser les créatures d’autres monde, il était aussi vrai qu’elle avait cessé de confectionner ses balles et que celles-ci, en outre, n’était qu’une partie de ce qui lui restait. Comme quoi, malgré ses dires, elle-même préférait assurer ses arrières et conserver quelques moyens de défenses, aussi peu nombreux soient-ils. Après ces balles, elle n’avait en outre plus qu’un chargeur. Peut-être, à l’occasion, essaierait-elle d’en refaire d’autres… Après tout, ce serait légitime : se mettre à dos un démon de ce rang apportait sans nul doute quelques conséquences qui, à son avis, ne devaient pas être de bons augures.

A nouveau, la jeune femme appuya sur la détente. Mais, sachant très bien que ça n’aurait aucuns effets sur le démon – surtout à cette distance-, elle avait plus fait ça pour attirer son attention et lui faire comprendre que, pour elle, la conversation n’était finalement pas terminé ou que, du moins, elle avait autre chose à ajouter. De nouveau face au démon bien que de nombreux mètres les sépares, elle n’affichait plus aucuns sourires et avait reprise cette attitude si froide et si méfiante que, à leur première rencontre, elle avait également affiché. Quand à son arme, elle remit le cran de sûreté avant de la glisser au bas de son dos, consciente qu’il ne lui restait plus que deux balles dans ce chargeur qui lui serait bientôt inutile.

- Travailler à son compte ne veut pas dire travailler seule, précisa-t-elle sérieusement. Je t’aurais pensé plus intelligent que ça, tu me déçois vraiment.

Si elle le provoquait, ce n’était en aucune façon son intention pour cette fois. Elle ne faisait dire que ce qu’elle pensait à voix haute, et n’en avait cure si cela lui plaisait ou non. Car, il fallait l’admettre : il la décevait vraiment. S’il était un démon d’un niveau tel qu’il l’avait prétendu, il aurait du comprendre dès le départ. Mais, visiblement, ce n’était pas le cas. Ou alors, il le cachait très bien et était capable de mentir et de jouer un rôle d’une bien meilleure qualité qu’elle. Quoi que, tout dépendait peut-être du point de vue adopté. Quoi qu’il en soit, s’il n’avait pas compris, peut-être que maintenant les choses étaient vraiment claire. Mais, juste afin d’en être certaine, l’humaine préféra apporter quelques précisions sur ce point-ci.

- En outre, si je n’accepte aucun supérieur… avoir quelques collaborateurs n’est pas un problème, du moment qu’on empiètes pas sur mes propres buts.

Bien sûr, elle ne précisait pas qu’une éventuelle collaboration signifiait qu’elle faisait confiance à ceux qu’elle côtoyait. Mais, de même, elle ne disait en aucun cas qu’elle vendrait son âme ou quoi que ce soit d’autre qui serait susceptible de lui faire prendre des risques similaires. De même, elle ne précisait pas que, sans doute, tout les coups seraient permis et qu’elle chercherait toujours à en savoir d’avantage sur sa relation et sur les objectifs de ces dernières. En outre, elle chercherait à avoir un coup d’avance sur tous les plans. Mais pourquoi le préciser ? S’il était futé et manipulateur comme il l’avait laissé pensé aux premiers abords, il agissait sans doute de même avec les siens. En quelques sortes, c’était un travail à son compte dans une fausse identité et dans un double-jeu parfois risqué.

- Dommage, que tu ne l’es pas vu sous cet angle. Enfin, je supposes qu’il ne faut pas trop t'en demander, niveau compréhension…, lança-t-elle un peu déçut tout en portant un regard à son bandage de fortune.

Leïna se pencha afin de ramasser son arme. Elle en vérifia le chargeur, comptant le nombre de balles dont elle disposait. Elle tira ensuite en direction du démon afin d’attirer son attention. Ce dernier eut l’impression d’être interpelé par un sifflement : la méthode était tout aussi vulgaire et inamicale. Alors que la balle disparaissait dans une gerbe d’étincelles, rappelant un feu d’artifice miniature, Baeladroth s’arrêta. Une nouvelle fois, la jeune femme lui déblatéra des propos provocateurs qui à présent n’atteignaient plus le Déchu. Elle le disait stupide, mais visiblement, elle n’était capable de rien d’autre que de lui faire des reproches et des insultes. Toutes ces provocations étaient-elles censées capter de nouveau l’attention du démon ? Si tel était le cas, la stratégie était un échec. Elle avait perdu tout son intérêt à ses yeux. Incapable de se remettre en cause, elle continuait à tout faire, peut-être inconsciemment, pour que Bael’ ne se soucie plus de son cas.

Le Déchu tendit une main et immédiatement, l’arme que Leïna avait replacé dans son dos se mit à chauffer, prenant une teinte rougeoyante. Rapidement, la jeune femme s’en débarrassa, la laissant tomber au sol. Elle garderait certainement la marque de la brûlure dans le bas de son dos un bon moment. L’arme continua à rougeoyer lorsque les balles encore présentes dans le chargeur et dans le canon explosèrent sous l’effet de la chaleur, détruisant par la même occasion la crosse et le fût. A présent, le pistolet était inutilisable. Le démon baissa alors sa main. Il posa son regard cristallin sur l’effronté qui lui tenait tête.

« Tu peux continuer à agir aussi violemment que tu le veux et à me lancer autant de provocations qu’il te plaira ... je n’en ai cure à présent. Je sais reconnaître mes échecs ... mais et toi ? Si je te suis si inutile, pourquoi continuer à me retenir ? Pour une nouvelle fois remettre en cause mon intellect ? Pour me parler d’une collaboration dont tu es totalement incapable de tenir les engagements tant tu es dévorée par l’arrogance ? Pathétique. »

Un épais nuage masqua la lune, diminua grandement la luminosité. A présent, la clairière était plongée dans une obscurité quasi-totale. Baeladroth recula, pénétrant dans les bois, avant de rajouter.

« Nous aurions pu faire tant de choses ensemble, Leïna ... »

La jeune femme ne put détacher son regard de l’arme qui lui serait désormais inutilisable. Malgré cette brûlure infligée que, sans aucun doute, elle n’oublierait pas, elle esquissa un léger sourire en coin. Bien qu’il ait su se maîtriser dans ses paroles, le déchu venait de commettre une piètre erreur dans son acte. Grâce à ça, la jeune femme disposait désormais d’un indice supplémentaire pour ses recherches qu’elle commencerait dès le levé du jour. Donc, le premier point, était sans doute la pyromancie. Un pouvoir aussi intéressant que destructeur, à condition de savoir le maitriser. Il y avait aussi cette capacité à influencer l’esprit des autres… Comment ça s’appelait, déjà ? La télékinésie ? Non. Ca, c’était la capacité à lire dans les pensées des autres. Enfin, c’était quelque chose dans ce goût là, elle finirait bien par retrouver le mot qui convenait à cette capacité, elle n’en doutait pas une seconde.

Un nuage passa finalement devant la lune, empêchant à cette dernière d’éclairer les lieux de sa lumière argenté. Plongé en quasi-totalité dans la pénombre, Leïna ne voyait plus qu’à quelques petits mètres devant elle. Si jamais cette « stupide » créature décidait de l’agresser, nul doute qu’elle n’aurait pas le temps de réagir la première puisqu’elle ne la voyait désormais plus. Là, debout, elle continuait de fixer l’arme qu’elle avait « emprunté » sans pour autant la regarder vraiment. Si ce démon suivait réellement ses propos, alors elle devrait désormais être tranquille. Au moins pour quelques temps, du moins. Juste quelques jours, c’était tout ce qu’elle demandait. Le temps d’obtenir les informations qu’il lui fallait et d’en savoir un peu plus non seulement sur lui, mais aussi sur la situation actuelle de Riverwood et les raisons de présence d’autant de créatures et de chasseurs. C’était tout ce qu’elle demandait en cet instant… Rien de plus.

Les propos du déchu attira soudain son attention, bien qu’elle ne bouge toujours pas. Elle, incapable de tenir des engagements suite à un trop plein d’arrogance ? C’était sans doute l’une des choses les plus ridicules qu’on lui est dit. Si elle était arrogante en apparence, ce comportement n’avait pour but que de couvrir un manque de confiance trop intense dont elle était en réalité victime. Ni plus, ni moins. Une chance, qu’il ne l’est pas remarqué : il aurait trop facilement pu en jouer en cherchant à la déstabiliser sur des sujets qu’elle avait parfois bien du mal à gérer. Ceci dit, il avait bien raison sur une chose : ses échecs. Ou, du moins, en partie. En effet, si elle savait reconnaître ses échecs, elle ne les acceptait pas pour autant et les avouait encore moins. Mais bon, c’était déjà mieux qu’avant. Depuis le temps, elle avait retravaillé son comportement, son caractère, et l’avait considérablement amélioré. Si autrefois elle avait parfois tendance à être asocial, elle ne l’était désormais plus. Et de même, elle avait travaillé d’autres points. Certains autres côtés, en revanche, n’avaient eut besoin d’aucuns travail…

- Nous aurions pu faire tant de choses ensemble, Leïna …

La voix du déchu lui avait semblé cette fois bien plus lointaine, presque comme un murmure. Cette impression de distance, lié au fait qu’elle ne le voyait plus lui laissa aussitôt penser qu’il était partie. Peut-être trop rapidement, même, puisqu’elle ne chercha même pas à vérifier et commença elle aussi à marcher afin de reprendre le sentier, avançant cette fois plus lentement étant donné qu’elle voyait moins.

- Peut-être, laissa-t-elle échapper dans un doux murmure. Mais c’est pas pour aujourd’hui…

Cette réponse aurait pu trahir ses futures intentions, elle le savait. Mais, croyant que la créature aux apparences humaines était partie, elle n’y songea pas plus que ça et continua d’avancer lentement, regardant un coup devant elle, un coup où elle mettait les pieds…

» Sans rancune [PV Sacha]