Jamais deux sans trois [PV Leïna]

Jamais deux sans trois.

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Jamais deux sans trois [PV Leïna] Iconchrisev2

Personnages participant au sujet :
Leïna Nightfals & Baeladroth

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Lieu : Dans le parc de Riverwood.

Moment de la journée : Au crépuscule d'une chaude journée.

Temps : Dégagé. Le soleil achève de se coucher et les premières étoiles ne vont pas tarder à apparaitre.

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A l’horizon, le soleil avait quasiment disparu, baignant le parc municipal d’une lumière crépusculaire. Dans le ciel, les premières étoiles n’allaient pas tarder à apparaître. La température restait encore douce malgré l’heure tardive, signe que la journée avait été chaude et ensoleillée. Là où une foule d’enfants et de parents se tenaient il y a quelques heures, à présent, il n’y avait plus personne. Le parc était désert, les jeux silencieux et immobiles. Seule une légère brise venait briser le silence de son sifflement dans les feuilles des arbres.

Baeladroth marchait d’un pas décontracté dans les allées du parc, il allait pour rejoindre la sortie et retrouver son véhicule garé sur le parking. Il avait passé son après midi à se prélasser à l’ombre d’un arbre, n’ayant rien à faire dans la journée. Sa véritable activité allait commencer avec le coucher du soleil. Ce moment de détente lui rappela presque les moments passés dans le Jardin d’Eden, du temps où il n’avait pas encore subit l’anathème divin. Bien entendu, le bonheur et la sérénité procurés par la jouissance d’un tel paradis n’était pas comparable à ce carré de verdure aménagé par la main de l’homme. Ici, tout semblait artificiel, mal agencé, déséquilibré, voire mourant. C’était une grossière et vaine tentative de maîtrise de la nature par l’homme. L’Eden, lui, était un lieu où régnait un été perpétuel, où chaque plante, chaque pierre, chaque cours d’eau semblait avoir été agencé en parfaite harmonie avec le reste du paysage. Il émanait de ce lieu une douce lumière revigorante. Le temps n’y avait pas de prise et se délasser cinq minutes avait autant de bienfaits que de s’y assoupir durant deux heures. Mais ce Paradis, il y avait bien longtemps que Bael n’y avait plus gouté. En revanche, le Déchu préférait largement arpenter ce plan d’existence, faille-t-il le partager avec les mortels, que de devoir retourner en Enfer.

Le démon se trouvait à une dizaine de minutes de la sortie du parc lorsque son instinct lui dit de faire une pause. Baeladroth s’arrêta alors, observant le paysage environnant baigné de la lumière rougeoyante d’un soleil mourant. C’est alors qu’il le sentit. Ce parfum si familier ne pouvait venir que d’une seule créature à Riverwood. Cette aura à la signature si particulière ne laissait aucun doute quant à l’identité de son propriétaire. Un léger sourire marqua alors les lèvres de l’Ange Renégat.

« Se pourrait-il que vous me cherchiez Leïna ? » dit-il d’une voix posée.

Revenant de sa scène de tournage, l’actrice repensait à ces répliques qu’elle avait complètement raté qui avaient entrainé un fou rire général. Elle-même s’était mise à rire tellement elle s’était trouvée ridicule. Mais, au moins, tout ça avait eut du bon : elle avait pensé à autre chose que ses problèmes actuels et s’était tranquillement laissé aller à la dérision des situations comiques créer sans le vouloir. Oh, bien sûr, son collègue en avait fait des bonnes aussi. A tel point, qu’ils avaient tous deux finis par abandonner le tournage pour aller se reposer un peu et, accessoirement, relire quelques fois leur texte… Mais le résultat n’avait pas été beaucoup plus convaincant. Cette scène devait être une simple conversation entre un rescapé et sa femme. Et pourtant, ni l’un ni l’autre ne parvenait à garder son sérieux… Finalement, ils avaient clôturé le tout en improvisant entièrement avant de quitter leur travail : ils savaient de toute façon qu’en se forçant, ils n’arriveraient à rien. Alors pourquoi continuer ? C’était complètement inutile. Une chance, que cette façon de penser soit différente lorsqu’il s’agissait de son existence. Quoi que… Peut-être pas si différente que ça. Ou du moins, pas autant qu’elle l’aurait espérer. Peut-être pour ces conclusions qu’elle avait parfois tendance à déprimer un peu…

Entendant quelqu’un poser une question, la jeune femme s’arrêta machinalement avant de se retourner vers l’endroit d’où provenait la voix… Mais son regard ne croisa que le vide. Elle haussa les épaules. Elle avait sans doute rêvé… Mais quelques pas plus loin, la même chose se produisit lorsqu’elle entendit quelques salutations s’échangés. Les premiers humains ne se trouvaient pas à côté d’elle… Percevait-elle une quelconque créature, ou devenait-elle simplement parano ? A cet instant, sans doute aurait-elle préféré être parano. Mais plus les minutes passaient, et plus elle entendait des voix. Elle devait sans doute être trop fatiguée… Non, impossible. Elle avait dormie la nuit dernière, et ce genre de chose ne lui était jamais arrivé avant. Elle avait l’impression que plusieurs personnes habitaient dans son cerveau, leur voix résonnant en écho peu supportable. A tel point, que Leïna du s’arrêter et prendre appuie d’une main sur le mur à côté pour garder son équilibre. Et comme si ces maux-là ne suffisaient pas, elle commença également à sentir des odeurs différentes, des parfums naturels mêlés à ceux des humains… La sensation était horrible. Elle cru que sa tête allait exploser. Tout en serrant mâchoires, elle partie brutalement en courant, comme si elle voulait fuir le tout. Même si… C’était inutile. Du moins, c’est ainsi qu’on aurait pu le croire. Pourtant, après un instant, tout redevint normal… Ou presque.

Quelques minutes plus tard après cet épisode aussi fâcheux que déstabilisant pour elle, la jeune femme s’était décidée à s’isoler complètement de la civilisation. Enfin, complètement… Au moins un minimum. Et pour ça, quelle meilleure endroit que le parc ? Et puis… Elle ne savait pas réellement pourquoi, mais son instinct la laissait croire qu’elle y trouverait des réponses… Quoi qu’il en soit, c’est tête basse qu’elle pénétra dans le parc, main dans les poches. Son regard semblait aussi sombre que lointain, et rien ne semblait plus être capable d’attirer son attention. Ainsi, tête basse et mâchoire serré, elle devait sans doute être la plus chaotique des humaines à cet instant. Que lui arrivait-il, au juste ? Ou plutôt, que lui était-il arrivé ? Et cette envie de meurtre si violente… Non, ce n’était pas elle. Elle n’était pas comme ça, aussi loin qu’elle se souvienne. C’est vrai, la violence la soulageait parfois, voir l’amusait. Mais aussi loin qu’elle se souvienne… Elle ne l’avait jamais réclamé, du moins pas autant. C’était étrange… Elle avait comme l’impression que deux entités totalement différentes se battaient en son fort intérieur. Etait-ce dû à sa nature ?... Si c’était le cas, quelle entité l’emporterait sur l’autre ? La réponse aurait pu paraître simple et pourtant… La concerné ne savait plus très bien qui elle voulait être. Pas plus que qui elle était en cet instant. C’était si difficile… Pourtant, ce devait être simple. Il lui suffisait de faire un simple choix. Ne savait-elle donc pas ce qu’elle voulait vraiment ?...

Leïna entendit parfaitement les propos de la créature. Seulement, après ce qu’elle venait de traverser, elle ne savait plus très bien si elle devait se tourner ou bien si ce n’était à nouveau que son imagination. Sûrement pour cette raison, qu’elle ne prêta aucune attention au démon. Au lieu de ça, elle passa à quelques bons mètres de lui sans le regarder, complètement perdue dans son combat intérieur qui se menait sans son autorisation. Tel un cadavre (^^), elle alla jusqu’au bord du lac devant lequel elle s’arrêta. Elle observa attentivement son reflet… Il n’y avait rien d’extraordinaire. Du moins… Rien d’inhumain. Elle leva légèrement ses mains devant elle et les regarda attentivement… C’était une sensation si étrange… Ca lui donnait l’impression d’être coincer entre deux mondes, deux mondes auquel elle n’appartenait que partiellement. En fin de compte… Etait-ce ça, son but premier ? Trouver sa place, un lieu où elle se sentirait chez elle ?...

Leïna ne prêta pas attention à la question du démon. Elle continua son chemin, semblant perdue dans ses pensées. Il y avait fort à parier qu’elle n’avait même pas remarqué sa présence. Elle ne ressemblait en rien à la jeune femme que le Déchu avait rencontré. Elle n’avait plus rien de cette personne fière et sûre d’elle, qui semblait parvenir à tout contrôler. A présent, elle avait plus de l’enfant égarée qui cherche son chemin, tourmentée par des questions dont elle comprend à peine le sens. Son visage semblait figé dans une réflexion qui lui apportait plus de tourments que de réponses. Son regard, lui, apparaissait comme vide, ou plutôt comme absent de ce plan d’existence, hanté par des doutes. Elle continua sa marche jusqu'au bord d’un petit lac, cherchant son reflet comme pour se rassurer de ce qu’elle était.

Baeladroth fut intrigué par tant de désarroi. Comment la chasseuse au caractère d’acier qu’il avait rencontré, avait-elle pu être réduite à l’état d’une poupée de chiffon ? Qu’avait-il bien pu se passer pour la perturber à ce point ? Qu’est ce qui pouvait bien habiter son esprit pour la plonger dans une telle confusion ? Ce sont toutes ces questions qui poussèrent le Déchu à suivre à distance la jeune femme. Rien n’était dû au hasard, et s’ils se retrouvaient tous les deux dans cet endroit, c’est qu’il y avait une raison. Peu importait si les évènements desserviraient le Bien ou le Mal, Bael n’avait pas l’intention d’aller à l’encontre du Destin. Il se stoppa à une cinquantaine de mètres de la chasseuse et s’adossa à un tronc d’arbre. Les bras croisés, il observa attentivement celle qui se mirait dans les eaux stagnantes du lac. Mis à part son comportement atypique, rien ne semblait anormal chez elle. Son intégrité physique ne semblait absolument pas altérée. Le Déchu se décida alors à aller chercher plus loin en sondant son âme. C’est là qu’il observa un phénomène peu commun. Son âme était devenue instable. Elle vibrait de manière anormale, comme si elle avait été altérée ou ébréchée. Les évènements de Riverwood semblaient avoir provoqué une perturbation suffisamment importante chez la jeune femme pour pouvoir ébranler la structure même de son essence spirituelle. Un fin sourire se dessina sur le visage de l’ange renégat : ne l’avait-il pas prévenue que si elle restait à Riverwood ce qu’elle fuyait le plus finirait par la rattraper ? Mais l’arrogance des Hommes avait toujours poussé ces derniers à se rire des conseils qui pouvaient leur être prodigués, prenant le risque de défier la Destinée. Ou peut-être était-ce de l’insouciance. Quelque soit la raison, c’est ce qui leur avait couté leur place au Jardin d’Eden lorsqu’Eve avait gouté au fruit défendu malgré toutes les mises en garde.

Baeladroth continua de rester à distance des évènements qui étaient en train de se dérouler, observant avec toujours autant d’attention la tournure que les choses allaient prendre.

Le regard de l’humaine semblait se changer en un profond mépris. C’était comme si, en quelques secondes, il ne resta plus rien de la jeune femme froide, maitriser, intouchable… Et si joueuse. Elle semblait avoir perdue son assurance au moins autant que ses motivations. Il ne restait plus rien… Tout semblait avoir été anéantit. N’importe qui l’ayant fréquenté aurait sans doute strictement rien compris à ce changement si violent. Et quoi de plus normale ? Ses maux étaient bien loin d’être externe. Si seulement ça avait été le cas… Elle aurait eut bien moins de mal à se défaire du problème qu’elle rencontrait là. La migraine avait disparu, c’était un fait… Mais il y avait autre chose. Une chose bien moins supportable qui la rongeait de l’intérieur, la consumant lentement…. Mais sûrement. Le plus frustrant, était sans doute son impuissance face à ce qui lui arrivait. Etre incapable de soulager ses maux, être incapable de comprendre… C’était rageant. Si une tierce personne s’était approcher d’elle et avait montré une once d’hostilité ou d’intention malveillante, nul doute qu’elle n’aurait eut aucunes retenues à passer ses nerfs dessus. Quitte à faire un homicide, elle s’en contre-fichait. Egoïste ? Peut-être. Mais dans ce genre de cas… N’importe qui l’aurait été, c’était évident.

La présence du vent aida sans doute à la calmer. Elle parvenait à ressentir sa caresse et à l’entendre avec une telle précision, qu’elle eut presque l’impression d’être ce dernier. Le son des feuillages, l’odeur de l’herbe fraîche, de l’étendue d’eau,… Mais aussi celle d’autre chose, qu’elle ne parvenait pas à définir. La sienne ? Non. C’était autre chose… Mais elle ne chercha guère plus loin et laissa retomber ses bras le long de son corps, portant son regard sur le ciel reflété dans les eaux qui lui paraissait si ténébreuses. La lune, non loin du bord de cette étendue, semblait magnifique. Mais, à dire vrai, ce n’est pas celle-ci qui attira son attention. Non, elle préféra le river vers les autres astres minuscules qui commençaient à tapisser le ciel. Elle soupira et ferma un instant les yeux, espérant sans doute qu’après les avoir rouvert, elle retrouverait une réalité beaucoup plus acceptable. Mais lorsqu’elle les rouvrit, elle sursauta et exécuta un bond sur le côté en se retournant vers sa gauche. Une bestiole venait de détaler comme un lapin dans le sens opposé… Bien loin de là où elle était. Et pourtant, elle avait eut l’impression que… L’impression qu’elle était folle, surtout. En cet instant, elle aurait sans doute souhaité l’être réellement. Au moins, là, elle aurait su à quoi s’en tenir…

La migraine fut cette fois si violente, si soudaine, que la jeune femme perdit pieds et tomba à genoux avant que sa main gauche ne vienne s’appuyer sur le sol comme pour l’empêcher de s’étaler davantage (^^). L’autre main, en attendant, se dirigea vers son crâne, ses doigts se crispant aussitôt.

- Qu’est-ce qui m’arrives…, lâcha-t-elle à voix haute sans même avoir le temps de s’en rendre compte.

Si elle n’était pas du genre à montrer ses faiblesses, il y avait pourtant bien des choses capables de la déstabiliser. Et, ce soir, l’une de ces choses venait se montrer avec une force bien plus grande qu’elle ne l’aurait imaginé. Quelle était cette chose ?... En fait, elle-même ne savait pas vraiment. Tout ce dont elle avait conscience en cet instant, c’était… de la douleur. Cette souffrance cuisante accentuée par son incompréhension lui était insupportable. Avait-elle peur ?... Oui… Et bien plus qu’elle ne l’aurait voulu. La peur de devenir autre chose. Ou peut-être… La peur de devenir ce qu’elle était réellement au fond… Elle ne savait pas trop. En fin de compte… C’était une peur de l’inconnue, tout simplement. Mêler à une peur d’elle-même, des réactions qu’elle pourrait avoir, inutile de dire que c’était… Mauvais. Peut-être était-ce dans ces moments-là qu’elle regrettait d’être solitaire… Non. C’était la première fois qu’une telle chose lui arrivait, alors comment pourrait-elle le savoir ?... Elle ne voulait qu’une chose… Que cette douleur cesse. Et pour ça… Sans doute aurait-elle été capable d’accepter le plus fou des marchés…

L’âme de la jeune femme ne cessait de vibrer par intermittence, chaque nouvelle vibration se faisant plus intense que les précédentes. Puis les pulsations furent si fortes qu’elles en émirent une forme de vrombissement grave. Bien entendu ce son, seul Baeladroth pouvait le percevoir. Il était le signe caractéristique d’une âme mal menée, sur le point de se briser. La cause de cette brutalité : ils en existaient une multitude. Mais ce qui était sûr, c’est que la douleur qu’un tel phénomène infligeait était insupportable, tant sur le plan physique que sur le plan psychique. Le démon n’avait aucun doute, la chasseuse ne pourrait endurer ces maux très longtemps. A lutter de la sorte, elle risquait de mourir ou pire ... de devenir complètement folle, une enveloppe ne renfermant que les débris d’une âme partie en éclats. Leïna se vit obligée de mettre genoux à terre. Visiblement, la migraine devait être de taille au regard de la main aux doigts crispés qu’elle posa sur son front.

« Qu’est-ce qui m’arrives… », dit-elle à voix haute, ne se doutant pas que quelqu’un l’épiait.

La panique et l’incompréhension visibles sur son visage torturé ne tardèrent pas à se muer en peur. Une peur de l’avenir, une peur de soi-même. Elle était en train de mener un combat que visiblement elle avait déjà perdu. L’adversaire semblait beaucoup plus fort qu’elle, se jouant des résistances qu’elle dressait devant lui. Ses défenses tombant les unes après les autres face à ce fléau sans nom, Leïna eut une pensée qu’aucun adepte des Ténèbres du rang du Déchu n’aurait pu ignorer. Pour faire cesser ce calvaire, elle était prête à accepter tous les sacrifices.

Baeladroth sortit alors de l’ombre, mettant les mains dans ses poches. Il avança d’un pas flegmatique. La précipitation était inutile : Leïna ne pouvait pas aller très loin dans son état et la soulager trop rapidement aurait été faire preuve de bonté d’âme. Son visage n’avait rien de souriant comme on aurait pu s’y attendre en pareille occasion. Au contraire, il était grave, empli de sérieux. Une fois à côté d’elle, il la regarda un instant de manière réprobatrice. Elle était la seule responsable de son état, si l’on écartait l’entité qui la tourmentait. Il prit alors la parole, d’une voix posée.

« Je me trompe ou bien aurais-tu besoin d’un peu d’aide ? »

Il se pencha alors légèrement au dessus de la chasseuse.

« Cette souffrance, je peux t’aider à l’atténuer, peut-être même à la faire disparaître ... moyennant contre partie bien entendu. Qu’en penses-tu ? »

Pour appuyer sa proposition, Baeladroth posa une main sur l’épaule de la jeune femme. A ce contact, la douleur diminua, sans pour autant disparaître. Le démon se doutait de la présence d’une entité tapie au fin fond de la jeune femme et ce geste le lui confirma. Il lui restait à déterminer la nature de cette chose, et pour se faire, le plus simple était encore de lui laisser le devant de la scène. Toutefois, le Déchu devait conclure son accord avant d’entreprendre toute action passible d’aider Leïna.

Sous l’intervention extérieure, la jeune femme n’eut qu’une envie : réagir. Mais sa souffrance la paralysait entièrement, et elle n’eut même pas le courage de lever la tête vers lui et garda les yeux fermés. Ce n’était sûrement pas l’envie qui lui manquait de répliquer. Mais même si elle savait se faire violence envers les autres, elle savait également lorsqu’il était dans son intérêt à ne rien rétorquer. En outre, c’était le cas ce soir. Elle était bien loin d’avoir un quelconque avantage, et ce sur n’importe quel plan. Alors s’il pouvait l’aider… Il valait mieux ne pas le provoquer. Pas cette fois. Elle devait passer outre sa rancœur et voir le côté pratique des évènements pour cette fois, quitte à laisser tomber toute forme de principe. Oh, bien sûr, rien ne disait qu’elle se montrerait docile par la suite… Sans doute ne le serait-elle pas, même. Quoi que… Elle n’en était pas si sûr. Après tout, elle n’oubliait pas sa rancœur envers les humains. Et même ce premier soir où elle avait rencontré ce démon majeur… N’avait-elle pas elle-même dit qu’elle serait capable de faire un génocide si elle en avait les moyens ? N’avait-elle pas faite allusion au fait qu’elle avait honte d’être humaine ?... Alors, si elle avait l’occasion de perdre cette humanité, pourquoi refusait-elle ? Pourquoi continuait-elle de mener cette guerre perdue d’avance ?... C’était trop de questions pour elle. Si jamais l’occasion de ne plus réfléchir, au moins l’espace de quelques minutes, se présentait à elle, nul doute qu’elle l’aurait saisit. Parfois, ses sujets de réflexions avaient véritablement le don pour l’enfoncer un peu plus dans l’obscurité de son désarroi. Ce soir, c’était un peu le cas… Seulement, même en sachant qu’elle finirait par céder à ce marché qui lui tendait les bras, elle se refusait de céder aussi facilement, ne serait-ce que par son tempérament rebelle… Non. Même son tempérament rebelle se faisait désormais trop distant pour l’inciter à répondre.

- Tu me veux quoi, à la fin ?...

A nouveau, cette phrase ne fut qu’une pensée a voix haute. Elle ragea intérieurement de ne pas être autant maitresse d’elle-même qu’elle l’aurait voulu. Si elle ne parvenait même plus à garder ses questions pour elle après quelques minutes à peine, elle n’osait pas imaginer comment elle serait dans quelques heures de calvaire supplémentaires. La situation la faisait presque rire, tellement elle trouvait ça risible… Elle n’aurait jamais imaginé croiser quelqu’un dans pareil circonstances, et encore moins le déchu. Ou disons le plus clairement : elle n’aurait jamais imaginé tel situation, tout simplement. Subitement, elle se sentait bien faible, bien seule… Bien insignifiante. C’était presque étrange… Etait-ce ça, se sentir humain ?... Si c’était le cas, alors… Peut-être serait-elle prête d’avantage à renier ce monde. Mais malgré tout, quelque chose semblait la rattacher ici… une chose dont elle-même ignorait l’existence. Aimait-elle donc ces stupides humains ? Non… Aimait-elle cette terre, cette façon de fonctionner ? Non… Tout ça était insensé… Il devait y avoir autre chose. Une chose bien plus importante qu’elle avait du rater et que, désormais, elle ne comprenait pas. Et puis, cette curiosité de la mort lui faisait assez défaut aussi, il est vrai… Cette envie de savoir comment était les autres mondes… De savoir où elle irait, peut-être. Quoi que… Elle ne croyait pas au paradis, alors le choix était peut-être vite fait. Après tout, elle n’avait jamais vu d’ange ou quoi que ce soit y ressemblant… Comment pourrait-elle y croire ? Elle était si haineuse envers ces entités que, si elle partait pour ce que les mortels appelaient le paradis, elle serait bien capable de laisser éclater sa rage sur eux. La rage d’avoir du se débrouiller seule, d’avoir subit tant d’épreuves, tant de duretés,… Le reproche de ce qu’elle était devenue, sans doute…

- Si j'acceptes... Quel est le marché..., lâcha-t-elle finalement.

En temps normale, la jeune femme n’aurait apporté aucun intérêt à la proposition de la créature. Seulement… Il lui était hors de question de rester dans cet état. Et puis, que pouvait-elle perdre, de toute façon ? Absolument rien. Du moins, de son point de vue… Son âme était sans doute déjà condamné, et son humanité semblait déjà lui échappé bien qu’elle soit encore mortel et qu’elle n’est fait aucun acte susceptible de lui dérober. Quel était donc le but de sa naissance ?... Etait-elle un simple pion, un simple divertissement des divinités supérieur ?... Si elle l’apprenait un jour… Sa rancune ne trouverait plus aucunes limites.

Rebelle dans l’âme, Leïna tenta de lutter pour repousser les avances du démon. Mais rapidement, elle se résigna, se rendant compte qu’il était peut-être sa seule chance pour le moment. Ses vieux doutes ressurgirent comme son attachement plus que discutable pour l’humanité et la Terre elle-même, ainsi que la perspective d’être vouée à finir en Enfer pour y subir une éternité de tourments. Baeladroth avait semé les graines de la discorde spirituelle chez la jeune femme la première fois qu’ils s’étaient rencontrés. Et aujourd’hui, il semblait que le jour de la récolte venait de sonner. Pourtant, Leïna ne perdait pas de vu qu’elle avait à faire à un démon. Elle chercha donc à prendre certaines précautions avant d’accepter n’importe quelles conditions. C’est pour cette raison qu’elle interrogea le Déchu.

« Si j'accepte... Quel est le marché... »

Pour Baeladroth, les choses étaient claires. Il savait déjà ce qu’il voulait. Restait à savoir si l’intéressée accepterait les clauses du contrat. En temps normal, tout était négociable, mais là, la situation était exceptionnelle et la position de Leïna ne lui permettait pas vraiment de marchander. D’une voix toujours aussi calme, le démon exposa alors ce qu’il avait envisagé pour elle.

« Ce que je veux, tu m’excuseras de ne pas faire dans l’originalité, c’est ton âme bien entendu. Une fois le contrat passé, tu m’appartiendras et me serviras pour l’éternité. Mais je suis bon seigneur. Tu continueras ta vie en tant que mortelle liée à cette chose qui est en toi tout en me servant. Tu verras, je ne suis pas très encombrant. A ta mort, ton âme me rejoindra afin de faire de toi l’un de mes serviteurs démoniaques. Tu subiras alors une sorte d’ascension qui t’élèvera au rang de démon. En d’autres termes, tu vas continuer à vivre en tant qu’humaine comme cela aurait dû être le cas ... à la différence près que tu me serviras. »

Le démon s’approcha alors d’avantage de la jeune femme. Par sa volonté et sa position hiérarchique au sein des Enfers, il faisait obstacle à l’entité qui grondait en elle, apaisant la douleur de l’hôte. Ainsi, elle était plus en mesure de comprendre les conditions du marché.

« Bien entendu, il va falloir que nous nous occupions de ce colocataire indésirable qui est en toi. Il va donc falloir lui laisser la place de s’exprimer afin que je sache qui il est. Ensuite, le plus simple sera surement que je vous lie afin d’éviter qu’il ne te consume totalement ... ce serait fâcheux. »

Bael marqua une pause pour laisser le temps à ses paroles de prendre tout leur sens dans l’esprit torturé de Leïna. Elle avait encore la possibilité de refuser cette offre. En effet, la Règle du Libre Arbitre lui en donnait le droit. C’était d’ailleurs cette même règle qui interdisait aux démons d’user de leurs pouvoirs sur les humains afin de les influencer dans une telle situation. Mais, la jeune femme avait-elle réellement le choix ?

« Alors, marché conclu ? »

Dans cette dernière phrase, le Déchu s’était rapproché d’avantage de Leïna, se baissant afin de mettre son regard à la même hauteur que le visage de la jeune femme. Il avait une expression toujours aussi sérieuse, attendant la réponse de son interlocutrice.

La jeune femme était loin d’être dupe, et n’importe qui lui aurait confirmé sa pensée : elle courrait vraiment à sa perte. Seulement, même dans ces instants, elle conservait un minimum de retrait, de méfiance… elle ne pouvait pas accepter ce marché, pas sur ces conditions là. C’était sans doute stupide de sa part, mais contrairement aux apparences, il n’était pas la question de tenir tête : elle voulait juste être persuadé qu’elle conserverait quelques libertés et, accessoirement… Elle songeait presque à négocier ces clauses pour lui demander de lui retirer son humanité dès maintenant. Elle ne savait pas vraiment si c’était possible, en fait. Mais cette pensée lui traversa l’esprit avec un tel naturel, qu’elle en fut elle-même troublé. Cet autre « elle » enfermé au fond d’elle… Gagnait-il désormais sa façon de pensée ?... Elle ne savait plus quoi faire. Continuer cette lutte acharner, ou bien… céder entièrement la place à ce qui avait été, jusqu’à présent, endormit au plus profond d’elle-même ? Accepter dès cet instant le contrat, ou chercher les négociations ? Après tout… Ca ne coutait rien d’essayer, non ?...

- C’est vrai que c’est pas très original… murmura-t-elle dans un demi-sourire malgré ses maux. Il me semble me souvenir… que tout contrat est négociable… Non ?...

C’est vrai, elle n’était pas en position de force… Et le Déchu pouvait sans aucun problème jouer là-dessus. Elle n’espérait pas qu’il le fasse, mais elle se doutait que n’importe quelle créature de son genre le ferait… Allait-il se démarquer des autres et, accessoirement, chercher à savoir quelle serait les points négocié ?... Elle n’en avait aucune idée et, cette fois, elle ne s’en fichait pas. Même si elle s’imaginait condamné depuis un long moment déjà, quelque chose l’empêchait pourtant d’accepter directement l’offre faite. Et puis… Chaque démon avait ses propres sources d’intérêt, ses propres raisons. Qu’est-ce qui pouvait bien motiver celui-là derrière cette apparence détaché qu’il affichait ? Cette fois, Leïna ne chercha pas à se poser la question plus longtemps et soulagea son esprit au moins de cette question en se renseignant directement à la source, et sans détour : Baeladroth.

- Dis-moi une chose… Pourquoi tant d’intérêt ?...

Le fait de n’avoir aucune réponse immédiate ne la dérangea pas. En fait, elle en profita même pour continuer le dialogue, la tête encore basse, les yeux toujours fermés…

- J’suis pas naïve… T’as eut l’occasion de m’exterminé plus d’une fois… Et c’est surement pas l’envie qui t’as manqué… Alors dis-moi pourquoi… Pourquoi tu l’as pas fait…

Sur sa dernière phrase, elle avait cette fois-ci relevé la tête vers son interlocuteur. Elle le regardait désormais dans les yeux sans crainte, sans peur… un regard changeant, qui n’avait rien a voir avec celui qu’elle affichait d’habitude. D’ailleurs… il semblait cette fois plus claire malgré l’obscurité de la nuit. Une simple impression ? Sans doute. En attendant, son ton avait été à mi-chemin entre le reproche et l’envie de comprendre. C’était presque étrange… il fallait vraiment oser se comporter de cette façon, ou disons plutôt : il fallait oser afficher ses faiblesses d’une telle manière devant une créature de cette envergure. Mais toutes ces mises en gardes, l’actrice ne les appliquaient plus depuis l’instant où elle avait pénétré dans ce parc. Avait-elle espéré qu’il l’extermine vraiment ? Venant d’elle… Ce n’était pas impossible. Mais la concerné n’en était qu’à peine consciente. En réalité, elle avait repoussé ses envies, ses besoins, si loin au fond d’elle, qu’elle ne parvenait plus tellement à les identifier. Et pas plus à les comprendre. Ce pouvait sans doute paraître absurde… Mais là, dans cet état, elle se rendait brutalement compte d’une erreur qu’elle avait commise. Une erreur qu’elle n’aurait jamais du faire, et qui avait amorcer sa fin bien avant qu’elle ne le réalise. Si elle critiquait autant les humains… elle n’était pas mieux. Après tout, n’était-elle pas humaine, elle aussi ?... Peut-être était-ce ça, son problème du moment. Peut-être que, si elle se vendait tout de suite, tout ça disparaitrait et elle n’aurait plus que d’une chose à se préoccuper : sa vengeance. Mais étrangement… Elle ne parvenait pas à s’en convaincre…

Visiblement, la diminution de la douleur avait offert un répit au caractère de la jeune femme. A présent, elle avait retrouvé la force nécessaire pour vouloir négocier. Elle se permettait même de sourire. Pourtant la situation ne s’y prêtait guère. Son âme était sur le point d’être lacérée par une entité en plein éveil, lui infligeant au passage les pires tourments. Cette soudaine accalmie de son calvaire avait suffisamment éclairci son esprit à tel point qu’elle recommençait à se pauser des questions, à réfléchir.

« J’suis pas naïve… T’as eut l’occasion de m’exterminé plus d’une fois… Et c’est surement pas l’envie qui t’as manqué… Alors dis-moi pourquoi… Pourquoi tu l’as pas fait… »

Elle n’avait pas tord. Baeladroth aurait pu mettre un terme à sa vie depuis bien longtemps, et les raisons ne manquaient pas. Après tout, son arrogance et son insolence déplacées avaient failli lui couter la vie dans la clairière l’autre nuit. Si le démon ne s’était pas retenu à la dernière minute, il l’aurait certainement expédiée en Enfer. De plus, elle était une chasseuse, donc une ennemie. En d’autres circonstances, elle n’aurait eu aucune retenue pour le renvoyer dans le Sous-Monde, alors pourquoi agirait-il différemment ? Mais Baeladroth voyait plus loin, il avait la faculté de voir au-delà de ces détails. C’est ce qui faisait toute sa valeur aux yeux de son Maître. C’est pour cette raison qu’il avait épargné la jeune femme. Rapidement en la voyant, il avait décelé en elle une anomalie, une particularité qui pouvait éventuellement le servir. Elle était rare. Et plus que tout, il en aurait certainement besoin pour le conflit à venir. Le Déchu constituait ses légions car il avait bien conscience que le seul soutien des incubes et des succubes ne serait pas suffisant pour atteindre ses objectifs. Il avait besoin de plus d’effectifs et surtout de plus de diversité parmi ses acolytes. C’était pour ces raisons qu’il était si intéressé par Leïna. Cependant, comme il lui avait déjà faire remarquer, même si elle pouvait lui être utile, pour le moment, elle ne s’avérait pas indispensable. Mais le Déchu ne fit pas patienter plus longtemps la jeune femme et d’une voix toujours aussi sereine, il lui répondit.

« Le temps n’est pas aux questions ... les réponses viendront plus tard ... elles viendront après notre arrangement. Tu n’es peut-être pas naïve, mais moi non plus. Aussi, je ne vais pas te dévoiler mes projets avant d’être assuré de ton allégeance. »

Ce sursis que lui avait accordé le démon en faisant diminuer sa douleur, Leïna semblait en profiter un peu trop au goût du Déchu. Elle voulait négocier, mais il semblait qu’elle avait oublié qu’elle n’était pas en position d’imposer quoique ce soit. Pour cette raison, Baeladroth diminua la pression qu’il exerçait sur l’entité, la laissant reprendre un peu de terrain dans cette lutte qu’elle menait face à son hôte. Immédiatement, la douleur se fit plus vive. L’ange renégat se redressa alors, surplomba de toute sa hauteur le corps de la jeune femme.

« Nous disions donc ... des négociations ? Qu’y a-t-il de négociable dans ma proposition ? Je t’écoute ... A moins que tu n'aies changé d'avis et que tu acceptes la totalité de mes conditions ... »

La non réponse du déchu l’énerva un peu plus. Pourquoi prenait-il cette précaution ? N’estimait-il donc pas que, quoi qu’il advienne, le marché finirait par être conclu ? N’avait-il pas compris qu’elle ne tiendrait pas très longtemps dans son état qui ne semblait plus vouloir que s’aggraver ?... Ou peut-être avait-il décelé chez elle cette hésitation… Ce rattachement à peine perceptible, et au moins aussi instable qu’incertain. Non, ce devait être autre chose… Peut-être se doutait-il que, même une fois rallier à sa cause, elle n’obéirait pas aux ordres aussi sagement qu’elle le devrait ? Peut-être se méfiait-il d’elle autant qu’elle se méfiait de lui, au fond… C’était un calvaire, et dans tous les sens du terme. Plus concentré sur ses maux que sur la discussion tenue, il fallait bien avouer que l’actrice avait du mal à tout percuter. Non pas que l’envie lui manquait. Juste que son attention était rivé en priorité sur elle-même, et non sur le déchu. C’était peut-être la première fois depuis bien longtemps qu’elle faisait autant d’effort de concentration sur elle-même. Peut-être que si elle s’y était forcé des années plus tôt, la facture aurait été moins amer… Non, elle en doutait. De toute façon, comment aurait-elle pu remédier à ce problème dont elle ignorait, aujourd’hui encore, la source même ? C’était tout bonnement impossible. Du moins, impossible pour une simple humaine…

Bien que sa souffrance n’eut besoin que d’un centième de seconde pour de nouveau prendre le pas sur tout autre sentiment, la jeune femme eut le temps d’éprouver un minimum de soulagement lorsqu’elle compris que, même si la créature en face d’elle l’avait ni plus ni moins à ses pieds, elle acceptait au moins d’écouter les négociation. Et ce, même si elle n’aurait sans doute aucunes suites. Ce comportement eut au moins le fait de remonter dans l’estime de la jeune femme qui, à dire vrai, considérait un peu les humains et tout autre être à la même échelle. L’espace d’un instant, sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi, elle compara le comportement du déchu au sien et remarqua un certain nombre de similitude. Une comparaison qui la fit rire intérieurement. Mais, cette comparaison avait au moins un mérite : elle savait que si elle y mettait du sien à l’avenir, elle pourrait finalement parvenir à bien s’entendre avec cet être de l’autre plan. Et, s’il n’y avait pas d’amitié, elle se savait au moins capable de le supporter un bon moment si son humeur n’était pas des plus mauvaises.

- En échange de mon âme… Je veux… de l’aide…

Ses deux derniers mots avaient sonnés étrangement. Non pas qu’ils semblaient faux… Et bien au contraire, en fait. Dans de telles circonstances, dire ce mot… Sonnait vraiment différemment. C’était comme s’ils n’avaient pas leur place. Peut-être cette impression venait-elle du fait qu’il n’y avait aucune trace de mensonge ou d’ironie. Juste une parfaite sincérité. Mais la jeune femme eut une impression étrange. Sûrement pour cette raison, qu’elle ne déclara sur le moment pas un seul mot supplémentaire. Surtout que demander de l’aide à un démon… Semblait presque improbable. Et pourtant, elle venait vraiment de le faire. Etait-elle à ce point désespéré ?... Non. Juste que, en définitif, c’était le moyen le plus cours, et même peut-être le plus simple. Son silence marquait sans doute une légère hésitation. Mais cette hésitation ne vint pas de ses mots… Elle vint d’une autre décision : celle de se lever. Elle réalisait enfin qu’elle devait sembler bien misérable… Sans doute un insecte. Pour cette raison, sans doute, qu’elle se releva finalement et s’efforça de contenir sa souffrance ne serait-ce qu’un instant, pour faire face au démon et continuer la négociation d’une façon… Plus approprié. Après tout… C’était un sujet sérieux et, ne serait-ce que par instant, il était toujours préférable de faire face à un interlocuteur.

- De l’aide dans certaines recherches… mais aussi pour apprendre à me maitriser. Je veux également l’assurance que je resterais entièrement libre en dehors des ordres reçut.

Bien sûr, inutile de préciser que, après réflexion, y laisser son âme lui faisait ni chaud ni froid. Si elle laissait échapper une telle information, il était probable qu’il modifie lui aussi ses conditions. De même, il était inutile de préciser qu’elle n’obéirait pas bien sagement. Oh, non… avoir sous ses ordres quelqu’un comme Leïna n’était pas chose facile. Mais tout ça, il le découvrirait sans doute bien assez tôt…

Les précautions prises par le Déchu ne plurent pas vraiment à Leïna, mais elle n’en manifesta rien. Elle n’était pas vraiment en position de faire le moindre reproche de toute manière. Et cette absence de commentaire était tout autant une preuve qu’elle savait au fond d’elle-même qu’elle n’était pas non plus complètement digne de confiance. Le démon avait en partie cerné le personnage et il cherchait donc à prendre toutes les réserves possibles. La concentration dont faisait preuve Leïna pour ne pas céder face à l’entité força plus ou moins l’admiration de Baeladroth. Plus d’un mortel aurait déjà succombé face à une telle pression, mais elle, elle remplissait toutes les attentes du prince noir. Elle pouvait faire preuve d’une force mentale supérieure à celle du commun des mortels. La possibilité d’une négociation sembla faire remonter le morale de la souffrante. C’est alors qu’elle prononça les mots qui firent le plus grand des plaisirs au Corrupteur. Elle lui offrait son âme en échange de l’aide du démon. Le timbre de sa voix était empli d’une sincérité qui ne laissait aucun doute : la jeune femme n’avait plus la force de mentir ou de jouer un rôle. Elle implorait quasiment le démon de lui venir en aide. Celui qu’elle avait combattu quelques jours plutôt était à présent la créature la plus précieuse pour elle.

« De l’aide dans certaines recherches… mais aussi pour apprendre à me maitriser. Je veux également l’assurance que je resterais entièrement libre en dehors des ordres reçut. »

Baeladroth étudia attentivement la proposition de la jeune femme. Ainsi elle voulait à présent l’aide qu’elle avait refusé pour découvrir qui elle était et comment se contrôler. Finalement, il semblait bien qu’elle allait écouter les conseils prodigués par les spectres de ses parents. En revanche, la liberté qu’elle demandait laissa le démon circonspect. Cette phrase voulait tout dire et ne rien dire à la fois. Trop de non-dits étaient cachés derrière cette formule, et le Déchu comptait bien y remédier.

« Ton âme ... en échange de mon aide pour tes recherches et la maîtrise de tes capacités. Je ne vois rien à y redire. En revanche, la seconde partie est un peu trop obscure à mon goût. Désolé d’être pointilleux, mais tu sais ce que c’est. Voilà donc comment je vois les choses. Une fois le pacte passé, ton âme m’appartiendra. Mais tant que tu vivras, elle restera dans ton corps, tout en m’appartenant déjà. Tu seras donc libre d’agir comme il te plaira, devant cependant respecter mes ordres lorsque je t’en donnerai. A ta mort, ton âme rejoindra alors ma collection et se verra modeler pour faire de toi un démon qui me sera entièrement dévoué pour l’éternité. »

Baeladroth observa alors un moment de silence. L’instant était trop grave pour précipiter les choses. Cependant, la jeune femme ne pourrait plus tenir très longtemps à ce rythme. Elle devrait donc prendre une décision assez rapidement si elle ne voulait pas qu’il soit trop tard.

« Le temps n’est pas à ton avantage Leïna. Il faut que tu prennes une décision. L’heure n’est plus aux négociations à présent. Je crois avoir accepté suffisamment de tes conditions. A présent, j’ai besoin de te l’entendre dire de vive voix. Acceptes-tu notre contrat ? »

L’atmosphère sembla alors retenir son souffle, le temps sembla se figer en attendant la réponse de la jeune femme. Baeladroth était à présent attentif à la moindre de ses paroles.

En premier lieu, la jeune femme fut soulager qu’il accepte. Mais, en y regardant de plus près, elle réalisa rapidement que les négociations n’iraient pas plus loin. Une impression finalement confirmer le démon qui ne semblait plus attendre que ça : son âme. Mais quelque chose la troubla… Ce qui avait sommeillé au fond d’elle jusque là, semblait montré de plus en plus de force. Plus le temps d’accepter se rétrécissait, et plus cette chose indéfinissable gagnait du terrain. C’était comme si elle n’attendait que ça, comme si ce contrat était sa délivrance. Serait-ce le cas ?... Ce n’était pas impossible. Après tout, la coïncidence de ces détails semblaient bien trop grande, bien trop voyante. Mais à nouveau, c’était incompréhensible pour la jeune femme. Elle ne chercha d’ailleurs pas plus loin pour cette fois : elle aurait tout le temps d’y réfléchir plus tard. Du moment qu’elle retrouvait son calme et qu’elle était délivré de la douleur, le reste l’importait peu… A peu de choses près. Comment pouvait-elle encore réfléchir, et surtout hésiter, en de pareilles circonstances ? Hésitait-elle vraiment suite aux closes tenus, ou… Y’avait-il quelque chose d’autre ? Quelque chose de plus difficile à identifier… Quelque chose que, cette fois, elle seule comprenait. Elle n’avait en réalité qu’une crainte, en acceptant ce contrat… Non, plus exactement deux si l’on comptait celle d’éventuelles tricheries. Mais celle-ci, n’était pas la plus importante. Elle semblait même bien insignifiante à côté de l’autre, bien plus profonde…

Consciente qu’elle ne disposait pas de toute la nuit, elle se permit pourtant un instant de réflexion, en baissant légèrement la tête et fermant de nouveau les yeux. Elle parvenait toujours autant à apprécier les caresses du vent. Si elle refusait… quelle genre de conséquence pourrait-il y avoir ?... Et, si elle venait à accepter… Qu’arriverait-il si elle cherchait, de façon sans doute peu visible, à contourner les ordres qui lui seraient donné ?... Quel genre de châtiment pourrait-elle subir pour désobéissance, en tant que simple mortel ? Et, surtout… Aurait-elle l’envie de jouer double-jeu ?...Ses pensées furent soudain interrompues. Ramener violement au présent par un élancement supplémentaires de ces douleurs incessantes, elle sentie que, sans doute d’ici peu, elle serait bien capable de perdre connaissance. Elle espérait bien revenir chez elle mais, en y pensant, elle se doutait qu’elle passerait quelques heures dehors si jamais cette fatigue morale soudaine l’emportait. Psychiquement, elle se sentait presque vidé, bien qu’elle se sache capable de tenir tête encore quelques temps au déchu. Qui aurait cru que ces évènements auraient de tels répercutions ? Sûrement pas elle. Mais, de toute façon, elle ne se sentait pas l’envie de le faire attendre : et lui non plus, sans doute. Elle releva alors la tête pour a nouveau planter son regard dans le sien, ne laissant plus aucunes traces d’hésitation ni dans son attitude, ni dans sa voix. Et encore moins dans son regard.

- Très bien. J’accepte ce contrat.

Son destin semblait désormais scellé, et elle n’osait pas imaginer ce que cette créature serait capable de lui réserver. Par contre, elle imaginait très bien son sentiment de victoire. Mais, étrangement, elle ne s’en blessa pas. Non, loin de là même. Elle savait que, même condamné, elle serait loin d’être facile à dresser. Elle savait également que, en fin de compte… Tout ça ressemblait plus à un jeu de manipulation qu’autre chose ou, tout deux, se servait l’un de l’autre : dans des buts bien définis, mais peut-être pas si différent que ça…

Leïna n’avait plus d’autre choix que d’accepter. Pourtant, elle sembla hésiter encore un instant. Sous doute prenait-elle conscience de tout ce que cela impliquait. Mais la soudaine reprise des douleurs la forcèrent à devoir prendre rapidement une décision. Elle baissa le visage face à ce nouvel assaut de l’ennemi et s’accorda au passage, un nouveau temps de réflexion. Si elle songeait à négocier de nouveau, elle avait sans doute bien compris que le Déchu ne lui accorderait pas cette chance. Elle releva alors une nouvelle fois la tête, afin de regarder dans les yeux le démon. Ce fut sans hésitation qu’elle prononça les mots qui scelleraient son destin.

« Très bien. J’accepte ce contrat. »

A ce moment là, les yeux du démon prirent une couleur écarlate, et sur ses lèvres se dessina un sourire modeste. Elle venait de lui offrir son âme. Elle venait d’échapper à l’éternité de souffrance qui lui était promise. Elle l’avait échangé pour une éternité de servitude. D’une voix toujours aussi calme, Baeladroth prit la parole.

« Tu as fait le bon choix. Maintenant, laisse-toi faire ... il ne peut plus rien t’arriver tant que tu me seras fidèle. »

Baeladroth s’approcha alors de Leïna. Elle avait choisi de ne pas cesser de le regarder dans les yeux. Mais à présent, elle n’avait plus le choix. Elle était comme hypnotisée. Elle ne bougea donc pas lorsque celui-ci s’approcha d’elle et posa ses mains sur ses hanches. Le touché du Déchu la fit frissonner, tant sa caresse procurait un plaisir extatique. La douleur avait alors complètement disparu. Doucement, Baeladroth continua se s’approcher de la jeune femme. Délicatement, il posa ses lèvres sur les siennes. Le baisé qui s’en suivit dura plusieurs secondes, scellant le pacte qui venait d’être passé. A présent, l’âme de Leïna appartenait tout entière au démon, et à sa mort, elle viendrait grossir les rangs du Corrupteur. Lorsqu’il se détacha de ses lèvres, la jeune femme sembla en demander d’avantage tant la sensation était enivrante. Mais déjà, l’ange renégat s’était éloigné de plusieurs pas. Leïna reprit alors le contrôle de son corps.

« A présent, notre pacte est scellé et nul ne pourra le défaire. Sers-moi comme il se doit et je serai clément envers ta personne. Trahis-moi et tu connaitras mon courroux. Tu apprendras à me connaître et tu te rendras rapidement compte combien je peux être bon avec mes sujets les plus loyaux. »

« Tant que tu me seras fidèle »… Ces mots résonnaient encore dans l’esprit de la jeune femme. Autrefois, être à peu de chose près la propriété d’une créature de l’Ether l’aurait sans doute révolté. En fait, le simple fait de l’imaginer l’aurait sans doute mise hors d’elle. Mais, en fin de compte, ce n’était pas si terrible que ça. La seule question qui se posait, n’était désormais plus une question d’étique. Non. La question était plutôt… Comment tourner la situation à son avantage, maintenant ?... Ce serait désormais son premier objectif. Non, son deuxième. Le premier serait d’éviter… Disons certaines choses. Des choses qu’elle se devait, au risque de mettre en péril son véritable projet. Un projet à long terme qu’elle avait commencé à mettre en œuvre il y a bien des mois maintenant. Un problème allait cependant se poser : ce déchu à qui elle venait de vouer son âme ne devait en aucun cas découvrir. Pas même soupçonner. Sinon… Elle préférait tout simplement ne pas penser au résultat : un vrai désastre. Toujours était-il qu’elle se demandait quel serait ses premiers ordres. Ou, plus particulièrement… Chercherait-il à la surveiller ?... Même si elle espérait que ça n’arriverait pas, elle se doutait pourtant que c’était inévitable. Après tout, pas une seule fois elle ne s’était montré vraiment obéissante, consentante. Alors quoi de plus normal si elle serait sous surveillance ?... Seulement… l’idée ne lui plaisait pas. Être sous surveillance signifiait pour elle être privé de liberté. Mais, surtout… Ca signifiait qu’elle n’aurait pas le champ libre et qu’elle devrait rester tranquille un bon moment…

Inutile de le cacher, Leïna fut soulagé de voir disparaître ses maux. Ou du moins, la plupart… Certains persistaient encore, mais il ne tenait plus qu’a elle de faire la différence. Et puis, ce n’était pas insupportable. Etrangement, elle sembla presque contente d’avoir faite ce pacte. Cachait-elle quelque chose ? Peut-être… Mais si c’était le cas, elle se l’était bien gardé et n’avait laissé aucunes traces.

- Et maintenant… Puis-je avoir des réponses ? lança-t-elle dans une imitation de politesse parfaitement ironique.

Sans doute le démon devait-il déjà regretté d’avoir soulagé ses souffrances… elle s’en fichait éperdument. Si elle était capable d’afficher ses faiblesses, elle était tout aussi bien capable de les simuler. Toute fois, elle était incapable de tenir trop longtemps ce jeu qui n’était en fin de compte pas, ou plus, son domaine. Son talent résidait peut-être dans la provocation et la manipulation… Après tout, elle avait failli pousser à bout ce renégat qui détenait désormais son âme. Non, en fait, elle avait réussit… Mais quelque chose d’inexplicable l’avait empêché de la supprimer. A moins qu’il n’ait laissé que de fausses impressions… Ce n’était pas impossible. Songeuse, elle repensa en revue les closes de leur pacte, analysant chaque mot et chaque sens possible à chacun d’eux. Elle serait libre de faire ce qu’il lui plaira… En dehors des ordres reçut. Tant mieux : c’était déjà un bon point. Elle se demandait cependant ce qui arriverait si elle venait à renvoyer quelques créatures en enfer… Non, ce n’était pas important. Cependant… Quelque chose la troubla… le mot « maîtrise » accompagné du mot « capacités » lui donnèrent une bien mauvaise impression. Ses capacités ? Quelles capacités ?... elle ne parvenait pas à comprendre le sens. Si elle savait qu’il y avait une chose anormale chez elle, ce n’était sûrement pas à ça qu’elle avait pensé. Mais, en reconsidérant les choses…. Non. C’était de la folie pure. Il valait sans doute mieu pour elle qu'elle arrête de penser pour ce soir, ses réflexions devaient être complètement instable pour qu'elle en vienne à songer à de tels réponses....

« Et maintenant… Puis-je avoir des réponses ? »

A cette question, le démon esquissa un sourire. Les mortels avaient toujours été d’une impatience maladive, les poussant parfois à commettre les pires folies ... pour le plus grand plaisir des créatures de l’Enfer. En même temps, avec une espérance de vie aussi courte que la leur, c’était tout à fait compréhensible. Ils n’avaient pas de temps à perdre car la fin approchait rapidement. Leur empressement pouvait donc être justifié, même si parfois, le prix à payer pouvait s’avérer trop élevé.

A présent que le pacte avait été conclu, Baeladroth pouvait avoir un peu plus confiance en Leïna. Néanmoins, il devait rester prudent. Vu le tempérament de la jeune femme, il y avait fort à parier qu’elle tenterait d’outrepasser quelques règles. Le Déchu prit donc la décision de rester sur ses gardes, du moins jusqu’à ce qu’il ait la certitude qu’elle ait bien compris quelles étaient ses obligations à l’égard de son nouveau maître. Cependant, il lui devait de lui en apprendre un peu plus sur ses projets. Ce serait l’occasion de satisfaire sa curiosité, mais également de lui donner l’une de ses premières tâches à accomplir. Ce fut avec une voix plus sensuelle qu’il lui répondit.

« Des réponses ... En effet, je te les ai promise. Si je suis ici, ça n’est pas suivant mon bon vouloir. Non. J’ai été dépêché à Riverwood pour une mission de la plus haute importance. Celle que conspirent les Forces des Ténèbres depuis la création de l’humanité : l’Apocalypse. Si je suis si intéressé par ta personne, c’est parce que j’ai bien vu que tu étais différente des autres membres de ton espèce. Tu es au dessus du lot. Or, seul, je ne peux mener à terme ma quête. J’ai donc besoin d’assistants, et ... j’ai jeté mon dévolu sur toi et tes particularités. »

A présent, elle connaissait l’origine de cet intérêt que lui porté le Déchu. Elle connaissait également la raison de sa présence dans un lieu aussi perdu que Riverwood. Le projet qu’il devait mener à terme n’était pas une mince affaire. Il s’agissait d’amorcer la chute de l’âge des Hommes. Bien entendu, par le passé, l’Apocalypse avait déjà été lancé, mais à chaque fois, il avait été contrecarré. Pourtant l’Enfer dans sa totalité attendait cet évènement. Ce serait comme une revanche sur la première défaite du Mal. Ce serait comme un retour aux origines. Et il était possible que Riverwood soit l’occasion de remporter cette victoire.

« Pour parvenir à mes fins, j’ai besoin d’un objet. Cette babiole se trouve ici même à Riverwood. Et tu vas peut-être pouvoir m’aider à le récupérer. »

L’apocalypse, rien que ça ? Combien de fois cette fin avait été annoncé, déjà ?... La jeune femme ne comptait plus. Visiblement, les habitants de l’autre monde avaient encore des ambitions pour un projet qui était irréalisable. N’apprenaient-ils pas, eux non plus, de leurs erreurs ? Après tout, peut-être leur comportement se rapprochait-il plus de celui des humains qu’ils ne le croyaient. Et après, on trouvait les humains pathétique… Vraiment, qui des deux l’était le plus ? Enfin, de toute façon, elle ne s’estimait dans aucun des deux côtés. Ou peut-être, des deux à la fois. Peut-être pour ça, que son comportement et ses avis pouvaient parfois changer rapidement… Ce n’était pas improbable. Elle venait bien de changer d’attitude en quelques secondes, non ? Alors pourquoi pas… Enfin, elle s’en fichait éperdument. Ou non, elle ne s’en fichait pas, mais préférait garder ce sujet de réflexion pour plus tard et ce concentrer sur la conversation qui avait lieu.

- Quel est l’objet en question, et où est-il ?

Désormais, elle n’y allait plus par quatre chemins en posant ses questions. Cependant, elle préféra étrangement ne pas discuter d’autre chose, bien que le déchu ait lui-même déclaré qu’il répondrait enfin à ses questions. On aurait presque pu croire que, maintenant qu’elle les avait à porté de main, elle n’en voulait plus. Ce n’était pas tout à fait faux, dans un sens : elle n’en voulait vraiment plus… Mais pour l’instant. Ayant laissé son âme à la créature, elle savait désormais qu’elle pourrait les avoir n’importe quand, alors pourquoi se presser ? Et puis… Elle ne voulait pas bâcler son travail et voulait être certaine d’obtenir la vérité : la situation de ce soir ne lui garantissait strictement rien. Néanmoins, quelque chose l’amusa dans ce pacte. En effet, désormais certaine de son issu, elle n’avait plus rien à perdre et aurait des limites bien plus lointaine dans ce qu’elle entreprendrait maintenant. Et puis… Elle savait pas pourquoi, mais elle s’aimait à provoquer le déchu. Etait-ce par haine ? Peut-être… Peut-être pas. Aussi loin qu’elle se souvienne, elle avait souvent été comme ça. Et ceux, même avec les personnes qu’elle appréciait. Bon, c’est vrai, ce n’était sans doute pas le même degré de provocation. Et, c’est vrai aussi, elle se comportait comme ça surtout avec les hommes. Pourquoi ? Elle ne savait pas trop. Peut-être qu’au fond, elle les détestait… Ou peut-être qu’au fond, elle les évitait. Et ça faisait si longtemps qu’elle n’avait été dans les bras de l’un d’entre eux, qu’elle…

La condamné esquissa un léger sourire, à peine perceptible, et se passa une main dans les cheveux suite à cette analyse d’elle-même aussi stupide que réaliste. Si elle savait se faire violence envers les autres, elle l’était encore plus envers elle-même. Cette autocritique l’amusa réellement. C’était si idiot, de tomber si bas… Mais, au moins, elle restait positif : après ce qu’elle venait de faire, elle ne pouvait plus que se relever. Et, étonnement, elle ne mit qu’une fraction de seconde à le faire. Non, vraiment... Le contrat qu’elle venait de faire ne la dérangeait pas un instant ! en fait, à son attitude, on aurait même pu penser que l’erreur venait d’être commise non pas de elle, mais du déchu. Et s’il ne parvenait pas à dresser son nouveau sujet… Nul doute que cette pensée se retrouverait bien vite confirmé...

A la mention du mot « Apocalypse », le Déchu vit bien que la jeune femme était dubitative. Il semblait que pour elle, c’était un projet tout simplement irréalisable. Pourtant, il suffisait d’une fois, d’une seule et unique fois pour que tout change à jamais. C’était la manière de voir des instances supérieures des Enfers. Baeladroth, lui, n’était qu’un exécutant. Il avait son opinion à ce sujet, mais il se gardait bien d’en parler. Il ne fallait pas s’amuser à attirer les foudres de ses supérieurs. Au contraire, mieux valait savoir jouer profil bas avec la hiérarchie des Enfers. Cet état de fait, Leïna ne semblait pas en avoir conscience ou tout du moins, ne pas vouloir en tenir compte. Elle l’apprendrait tôt ou tard à ses dépends.

« Quel est l’objet en question, et où est-il ? »

Toujours des questions, qui d’ailleurs se succédaient de manière un peu trop rapide. Vraisemblablement, la jeune femme continuait à agir comme un chasseur ou tout du moins pour son propre compte. Elle cherchait à soutirer des informations au démon, surement en vue d’un projet personnel. Pourtant, la jeune femme semblait volontairement écarter une partie du contrat : obtenir des réponses à son sujet et au sujet de ce qui la hantait. Elle posait certes des questions, mais pas celles auxquelles se serait attendu le Déchu. Mais après tout, en allant directement au vif du sujet, Baeladroth lui permettrait de se rendre utile plus rapidement. De plus, déterminer la nature de cette entité n’était pas de l’ordre des priorités du Déchu. Si cela pouvait attendre, ça n’était pas plus mal.

« Cet objet est une arme, plus précisément un Colt. Et actuellement, il est entre les mains de deux chasseurs ... des frères répondant au nom de Winchester. Peu importe les moyens, il faut que je récupère ce gadget. C’est actuellement mon souci principal ... et par conséquent, le tien également. »

Baeladroth commença à s’éloigner du lac, dans le but de rejoindre la sortie du parc. A présent, la nuit avait fini de tomber et les éclairages du parking s’étaient allumés. Après quelques pas, le démon s’arrêta, se tournant vers sa nouvelle adepte. Il l’observa un instant. La douleur passée, elle avait repris l’apparence insolente qui la caractérisée, aussi bien dans son facies, sa prestance que ses propos. Cette arrogance renouvelée fit sourire le démon intérieurement. Pourtant, il portait sur elle un regard ferme et le ton de sa voix lorsqu’il s’adressa de nouveau à elle était des plus irrévocables.

« Ils sont actuellement en ville. Tu n’as pas besoin d’en savoir d’avantage. Et puis, je suis certain que ce projet te plaira ... il pourra être l’occasion de te retrouver dans les bras d’un homme ... »

La jeune femme écouta attentivement, sans chercher à intervenir. Récupérer un colt ? C’était tout ce qu’il y avait vraiment à faire ?... Si ce n’était que ça, pourquoi quelques créatures n’allaient-elles pas la chercher elle-même ?... Qu’est-ce que cette arme pouvait bien avoir de particulier, pour qu’un démon comme Baeladroth, ne puisse pas s’en charger lui-même ?... Avait-il peur ?... Cette dernière pensée fit esquisser un léger sourire à la jeune femme. Alors comme ça, ces créatures craignaient cette arme… La déduction était plutôt vite faite, en ce qui concernait l’ancienne chasseuse. Mais, bien qu’elle ait trouvé un sujet supplémentaire sur lequel elle pourrait provoquer le renégat, elle n’en tira pas profit sur le moment et se contenta de l’écarter dans un recoin de sa tête. Elle revint donc au sujet initial sans plus se troubler. Donc, pour résumer, elle devait retrouver deux hommes, frères, répondant au nom de Winchester. Ces derniers étaient des chasseurs, et elle devrait donc se méfier de ce qu’elle fait et de son comportement. Le meilleur moyen était sans doute de se rapprocher d’eux mais, pour cette occasion, elle trouva cette stratégie bien trop simple et se décida à en chercher une autre. Un colt… Des colts, il y en avait des centaines de différents. Avec aussi peu de détails, comment saurait-elle si elle obtient le bon ? Si elle l’obtenait, évidemment. Elle était bien placée pour savoir qu’un chasseur gardait toujours un œil sur ce genre de bien… A son plus grands regret, cette fois. Mais, au moins, il lui avait précisé où ils étaient : en ville. Ce n’était sans doute pas suffisant, mais elle savait bien qu’elle devrait s’en contenter… Ce n’est qu’à cet instant que la jeune femme percuta la dernière phrase du déchu : «… Il pourra être l’occasion de te retrouver dans les bras d’un homme… »… A quoi avait-elle pensé, il y a quelques dizaines de secondes à peine ? C’était bien à ça, non ?... Avait-il lu dans ses pensées ?... C’était probable. Après tout, elle avait déjà rencontré des créatures possédant cette faculté. Mais, si ce n’était pas le cas… Ce manque dont elle-même doutait se voyait-il ?...

Leïna se permise de laisser échapper un léger rire, sans se soucier que le démon pourrait s’en vexer. Surtout qu’il n’aurait pas lieu de l’être : elle ne se moquait pas de lui, loin de là. Ce n’était pas nerveux non plus. C’est juste qu’elle ne s’était pas du tout attendu à cette précision qui était ni plus ni moins le reflet d’une pensée qu’elle avait eut plus tôt. C’était dérisoire : si elle devait souhaiter les bras de quelqu’un, ce serait sans doute d’une personne qui n’aurait malheureusement pas la même envie. Maintenant, si elle allait dans les bras de quelqu’un d’autres que cette personne… Ce serait ni plus ni moins que par manipulation ! Mais, visiblement, le déchu semblait ignorer ce détail. Et ce n’était pas sans lui déplaire : elle ne comptait pas se donner à livre ouvert. Surtout à quelqu’un comme lui. Elle essaya de reprendre son sérieux, mais ne put empêcher un sourire amuser d’apparaître au coin de ses lèvres. S’il lisait dans les pensées, elle devrait se surveiller d’avantage à l’avenir… C’était impensable : elle savait que c’était déjà perdue d’avance, elle qui ne pouvait pas s’empêcher de réfléchir. Même à la plus insignifiante des choses. Toujours amusé, elle leva l’un de ses bras et passa une main derrière sa tête, se la frottant légèrement dans un sourire toujours aussi amusé. Son ton ne fit d’ailleurs pas exception.

- Si tu lis dans mes pensées, on dirait bien que je vais avoir un problème supplémentaire. Mais, au moins, je vois que tu ne les comprends pas plus que moi…

Se passant finalement la main dans les cheveux, elle continua d’observer l’attitude du démon d’un regard complètement amusé, et bien loin d’être craintif de la façon dont il pourrait réagir. Elle enfouie finalement ses mains dans les poches et avant de lever la tête vers le ciel et de fermer les yeux. Vraiment, il y avait des choses qu’elle craignait ne jamais parvenir à comprendre…

« Si tu lis dans mes pensées, on dirait bien que je vais avoir un problème supplémentaire. Mais, au moins, je vois que tu ne les comprends pas plus que moi… »

Cette phrase elle l’avait dite en lâchant un léger rire tout en se frottant l’arrière de la tête. Elle le pensait doué de télépathie. Qu’à cela ne tienne. S’il avait su que les bras d’un homme lui manquaient ça n’était pas dû à une quelconque habileté télépathique. C’était plutôt dû à un appel du corps pour obtenir un plaisir proche de la luxure. Cet appel, Baeladroth était capable de le percevoir. Il était également capable de le manipuler suivant son bon vouloir, afin de le diminuer ou au contraire, afin de l’amplifier jusqu’à le rendre insupportable. Le Déchu était l’essence même du plaisir de la chair et de la relation avec autrui, aussi bien dans sa forme la plus noble que la plus pervertie. Leïna transpirait le manque de passion, elle désirait à un point insoupçonné l’amour d’un être qui lui était cher. Ce besoin quasi pathologique, le démon l’avait ressenti en posant ses lèvres sur celles de la chasseuse. Mais ça n’était pas son problème. Leïna était adulte, elle était donc suffisamment grande pour régler ce genre de chose. Du moment que le travail était accompli, le démon serait satisfait. Dans le cas contraire, il saurait où appuyer pour faire mal.

Pourtant, cette phrase prouvait également une nouvelle fois la confusion dans laquelle était plongée la jeune femme. Elle était perdue, aussi bien sur le plan de son existence que sur le plan relationnel. Fragile, elle devait rester méfiante si elle ne voulait pas exposer sa faiblesse à son grand ennemi intérieur. Aucun doute, cette chose n’aurait aucun scrupule à exploiter les failles de la jeune femme, si cela lui permettait de la faire capituler. Baeladroth se surprit à sourire face à tant d’ironie du sort. Puis, réalisant que Leïna l’observait encore sans avoir l’intension de bouger, son visage se fit plus ferme.

« Et bien, le repos n’est pas un luxe que nous pouvons nous permettre Leïna. Je pense que tu as des choses à faire, non ? »

- Allons… tant que le travail est fait, il n’y a pas de problème, n’est-ce pas ? Tu pourrais être moins dur, quand même. Une fois me suffit à comprendre, j’ai pas besoin d’être assisté…, lança-t-elle dans un reproche.

A l’entendre, n’importe qui aurait pu dire qu’elle prenait tout ça à la légère. Elle donnait presque des airs d’insouciances à son comportement. Et pourtant, elle était bien loin de considéré la situation comme tel. Bien au contraire, même. Elle lui accordait une attention bien particulière, pour être certaine de ne rien manqué. Pour être certaine de ne pas faire d’erreur, aussi. Si elle disait qu’elle allait le faire, elle ne ferait sûrement pas demi-tour. Pas même au dernier moment. Elle n’avait plus que ça de loyale, après tout : sa parole. Alors si elle la donnait, ce n’était jamais à la légère, et ce même si elle se permettait de prendre les choses à la dérision. Non, en fait, si elle réagissait ainsi, c’était tout simplement pour rester calme, détendue. Pour sans doute, inconsciemment, mieux accepter les évènements. Après tout, ne dit-on pas que l’humour ait capable de maitriser n’importe qui, n’importe quelle situation ?... Bon, ce n’était pas tellement de l’humour en ce moment. Disons simplement qu’elle ne se retenait plus aussi bien qu’avant dans ses paroles et que, le pacte désormais passé, elle se fichait éperdument de ce qu’il pourrait penser : elle ne cherchait pas à plaire. Et bien loin de là, même. Elle cherchait plus à se mettre à dos tout le monde… Mais là, c’était en parfaite connaissance du sujet. S’attacher à quelqu’un pouvait pourrir bien des existences, elle le savait. Et ça supprimait tellement d’indépendance, tellement de liberté… Qu’elle ne chercherait jamais plus de relations, quelles qu’elles soient.

La jeune femme soupira. Elle ne savait plus très bien si elle était reconnaissante envers le déchu où si, au contraire, elle le méprisait encore plus qu’avant. Après tout, la laisser mourir… Aurait mit un terme définitif à ses tourments de cette existence de mortel. Et peut-être que ça l’aurait même aidé à se rapprocher de son ultime but. Mais, au lieu de ça… Il était intervenu. Etait-ce vraiment le hasard, ou bien les anges l’avaient-ils à tel point dans leur collimateur, qu’ils faisaient tout pour lui pourrir la vie ?... S’ils existaient, bien entendu. Si c’était le cas… Elle se demandait bien de quelle façon elle réagirait en en voyant un. Chercherait-elle le pardon ?... Aucunes chances. Essaierait-elle d’obtenir leur soutien ?... Encore moins. S’en prendrait-elle à lui ?... Ca, c’était déjà bien plus réaliste. Cette pensée la fit sourire. Elle voyait clairement l’image dans sa tête : elle, agressive, mettant à mort une créature aux ailes blanches… Stupide idée. Quoi que, il fallait avouer que c’était assez plaisant à imaginer. Mais le temps n’était pour le moment pas à ce genre d’image. Elle devait rapidement trouver les deux frères. Après, elle improviserait. Comme souvent elle faisait, en fin de compte. Peut-être était-ce là, son défaut principal… Mais il lui avait si souvent réussit, qu’elle ne pouvait désormais plus s’en séparer. Sauf pour certaines choses, certains projets, ou même quelques sujets de conversation : là, il valait mieux prévoir chaque issue possible ainsi que chaque facteur étranger susceptible d’intervenir.

- Ca va, j’ai compris… Je vais sagement rentrer… Mais me permettre le « luxe du repos ».

Tout en disant ça, elle enfoui ses mains dans les poches et commença à se diriger, à son tour vers la sortie du parc. Elle semblait encore ignorer dans quoi elle venait de s’embarquer… Mais juste « semblait ». Ce genre de chose ne se faisait pas à la légère et, même avant ce soir, elle y avait déjà réfléchit. Et même bien avant sa première rencontre avec Baeladroth, en fait. Le fait qu’elle tombe sur lui et qu’il fasse allusion dès le premier soir au contrat n’avait été qu’un pur hasard, ou un véritable coup de maître de la part du destin. Mais, dès le premier instant, sa décision avait en réalité déjà été prise. La seule chose qui l’avait vraiment dérangé, en fin de compte, était qu’il l’obtienne avec trop de facilité. Elle s’était donc arrangé pour le tester un peu, sur différent niveau… Et nul doute qu’elle continuerait, même maintenant. une chose l'avait cependant assez étonné. Le fait que le déchu ne se remette pas en question. Le fait qu'il soit si rapidement satisfait, sans doute trop confiant de ses pouvoirs. Visiblement, il ne s'était pas une seule fois questionné sur le fait que sa proie ait si rapidement conclu le pacte, malgré quelques moments d'hésitations. Mais, tout ça... N'était en fait pas sans l'arranger. C'était même un excellent point, en fait...

« Allons… tant que le travail est fait, il n’y a pas de problème, n’est-ce pas ? Tu pourrais être moins dur, quand même. Une fois me suffit à comprendre, j’ai pas besoin d’être assisté… »

Si le ton employé pouvait déplaire, le contenu de ce reproche était encore pire. Visiblement, Leïna semblait prendre cette histoire à la légère, sans vraiment en saisir toute l’importance, mais surtout toute la gravité d’un éventuel échec. Si elle trouvait le démon dur avec elle, que dirait-elle lorsqu’elle devrait justifier son fiasco devant un Seigneur des Enfers. Non, il était certain qu’elle ne pouvait pas imaginer ce que cela engageait. Pour cette raison, Baeladroth préféra prendre sur lui et lui pardonner une nouvelle fois son insolence.

Finalement, la jeune femme se décida et, les mains dans les poches, se mit en marche en direction de la sortie du parc.

« Ca va, j’ai compris… Je vais sagement rentrer… Mais me permettre le « luxe du repos » ».

Même si elle continuait de fanfaronner, il y avait au moins un minimum d’amélioration dans son comportement. Elle allait visiblement songer à s’atteler à la tâche. Baeladroth la laissa passer devant sans dire un mot, ne prêtant pas attention à toutes ces remarques ironiques. La nuit promettait d’être longue, tant de choses restaient à faire.

» Sans feu ni joie
» Sans rancune [PV Sacha]